Manuel Valls à la finale Barça-Juventus. Plusieurs faits et discours ont été peu questionnés par les quotidiens nationaux. - Mediapicking
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Manuel Valls à la finale Barça-Juventus. Plusieurs faits et discours ont été peu questionnés par les quotidiens nationaux.

Dernière actualisation : 12/06/2015, 19:41

Manuel Valls à Berlin pour la finale Barça-Juventus de la Champion’s League le samedi 6 juin. C’est l’affaire de la semaine. Elle était, le 10 juin, dans tous les quotidiens nationaux. Il y avait « faute » pour Libération, « mauvaise passe » pour Le Monde, « erreurs de communication » pour Le Figaro et « faux pas » pour Les Echos. Beaucoup de commentateurs ont souligné la confusion entre public et privé.

Mais au fond, qu’est-ce qui pose problème dans cette affaire ? Quelle est l’erreur originelle commise par Manuel Valls ? Qu’est-ce qui a ensuite aggravé cette erreur ? Que penser la repentance et la réparation qui ont été annoncées par Manuel Valls le 11 juin ? J’ai trouvé que plusieurs faits et discours ont été peu questionnés par les quotidiens nationaux. Je propose ici de le faire.

Qui était invité à Berlin ? Le Premier Ministre ou Manuel Valls ?

Il est reproché à Manuel Valls l’utilisation privée de fonds publics. En amont des aspects financiers, une question mérite d’être posée : qui était invité à Berlin le 6 juin ? Le Premier Ministre de la France ou la personne privée qui exerce actuellement la fonction de Premier Ministre ?

Dit autrement, des dirigeants politiques d’autres pays européens que l’Espagne et l’Italie étaient-ils invités par l’UEFA à Berlin ? Ou est-ce parce que Manuel Valls est né à Barcelone et parce qu’il est un fan du Barça qu’il a été invité ? Cette question est en amont de toutes les autres. Sa réponse fait de l’invitation de l’UEFA une affaire privée, une passion privée. Mais encore fallait-il se poser la question au bon moment ?

La même question se pose, le dimanche 7 juin, pour la finale des Internationaux de France de Tennis à Roland-Garros. Manuel Valls et plusieurs de ses Ministres ont assisté à cette finale. Sauf qu’ici, Manuel Valls est dans son rôle de Premier Ministre de la France.

Au tout début, un mauvais choix

Non seulement Manuel Valls ne s’est pas demandé à quel titre il était invité au match Barça-Juventus, mais il a pris la décision d’être samedi après-midi à Poitiers, d’être samedi soir à Berlin et d’être à nouveau à Poitiers dimanche matin. Les modalités (recours à un Falcon de la République) ou les circonstances (présence à bord de ses fils) sont des conséquences de cette décision : il est impossible d’aller à Berlin depuis Poitiers, puis de revenir à Poitiers dans la nuit avec les lignes aériennes régulières. Manuel Valls devait, en fait, choisir entre le congrès du PS et le match. Il a fait le mauvais choix de choisir les deux.

Une erreur morale, politique et symbolique

L’erreur originelle de Manuel Valls est de n’avoir pas vu qu’il était invité au match à titre privé et que son choix d’être à la fois à Berlin et à Poitiers l’obligeait à utiliser un Falcon de la République.

L’erreur est morale car il y a eu utilisation d’argent public à des fins privées.

Elle est politique car elle affaiblit Manuel Valls sur au moins trois terrains : le terrain socialiste avec des militants abandonnés à leur congrès pour des loisirs plus passionnants, le terrain de l’action publique avec des annonces en faveur de l’emploi et des PME gâchées par une polémique footballistique, le terrain de l’opinion publique avec un comportement « paillettes » en contradiction avec l’image de travail, d’engagement et d’abnégation construite pendant des années.

Surtout, l’erreur est symbolique. Manuel Valls a agi à l’encontre de deux marqueurs du quinquennat de François Hollande : la normalité et la République irréprochable. Plus largement, dans une France où beaucoup ont du mal à joindre les deux bouts, il alimente la défiance à l’encontre des élus, vus comme des privilégiés déconnectés du réel.

La spirale des erreurs de communication

L’erreur originelle a ensuite été aggravée par des erreurs de communication sur le récit et l’explication de l’escapade à Berlin. Je ne partage pas le point de vue de ceux, dont Le Figaro, qui ont estimé que les seules erreurs commises par le Premier Ministre étaient des erreurs de communication ou, en d’autres termes, qu’un meilleur récit aurait rendu le voyage acceptable.

Manuel Valls a, en fait, avancé plusieurs récits – ce qui l’a fragilisé et a distillé le soupçon. Il a occulté la présence de ses fils dans le Falcon et a permis à d’autres de dénoncer cette présence – ce qui l’a placé dans le rôle du coupable pris en flagrant délit. La première explication invoquait le droit de se détendre de temps en temps quand on travaille beaucoup. Est-ce une explication ? Non, si l’on considère que l’on peut tout à fait se détendre en regardant un match à la télévision et que l’on se détend davantage devant un écran de télévision qu’en courant après deux avions et dans la foule d’un stade. La seconde explication n’a pas tenu longtemps puisqu’il est désormais établi qu’il n’y a pas eu, ce samedi soir, une réunion de l’UEFA sur l’Euro 2016 qui se tiendra en France.

Mouiller François Hollande et Michel Platini

L’erreur de faire l’aller-retour Poitiers-Berlin pour un match de foot pose des problèmes encore plus graves lorsque Manuel Valls s’enferme dans une explication liée à l’Euro 2016 et qu’il obtient à la fois de François Hollande et de Michel Platini des demi-vérités ou des demi-mensonges.

Difficile, en effet, d’imaginer que Manuel Valls et Michel Platini n’ont pas parlé de l’Euro 2016 pendant la finale de la Champion’s League. Pour autant, qui peut penser qu’un aller-retour Poitiers-Berlin était nécessaire pour échanger, le 6 juin, quelques propos sur l’Euro 2016, alors même que Michel Platini est venu à Paris, le 10 juin, pour rencontrer François Hollande sur ce même sujet ?

S’enfoncer dans une mauvaise explication, c’est grave. Demander au Président de la République de s’enfoncer avec lui dans une mauvaise explication, c’est encore plus grave !

Retard à l’allumage de plusieurs quotidiens nationaux

Les quotidiens nationaux ne se sont pas précipités pour traiter de l’aller-retour Poitiers-Berlin de Manuel Valls, à l’exception du dessin de Plantu dans Le Monde le 9 juin et d’un article intitulé « Pour l’amour du sport, Manuel Valls éthiquement et socialement incorrect », qui a été mis en ligne par Libération le 8 juin. Ils ont préféré, le 9 juin, couvrir les annonces de Manuel Valls sur l’emploi et les PME.

Le 9 juin, la polémique a grossi suite à la révélation que les fils de Manuel Valls étaient aussi dans le Falcon. Le 10 juin, les quotidiens nationaux ont, tous décidé, de faire écho à cette polémique. Libération et Le Monde ont même décidé, l’un et l’autre, de lui consacrer leur « une ».

Manuel Valls versus Manuel Valls

Tous les quotidiens dédoublent Manuel Valls et disent ne pas comprendre que le communicant Manuel Valls n’a pas réussi à empêcher le politique Manuel Valls d’aller à Berlin pour un match de foot. Ils avancent deux explications : la fatigue et l’usure. Dédoublement ? Oui, c’est le cœur de l’affaire, mais ici, le dédoublement le plus pertinent est celui dissociant l’homme privé de la fonction de Premier Ministre.

Amende honorable : trop tard et à côté

Il était essentiel pour Manuel Valls de reprendre l’initiative dans la polémique. Il  a fallu attendre, pour cela, le 11 juin, lorsque Manuel Valls a déclaré qu’il n’irait pas à Berlin si c’était à refaire et qu’il rembourserait 2500€ pour le voyage de ses deux fils… tout en continuant de justifier son propre voyage par l’Euro 2016. Manuel Valls avait-il une autre option que cette demi-amende honorable ? Je ne crois pas. Il ne peut plus se dégager d’une explication du voyage par l’Euro 2016, maintenant qu’il a entraîné François Hollande et Michel Platini dans cette mauvaise histoire. Et il n’a probablement ni l’envie, ni les moyens d’assumer financièrement le coût total d’un aller-retour Poitiers-Berlin en Falcon.

Au final, la repentance cohabite avec un mensonge et la réparation porte sur ses enfants et non pas sur son erreur originelle : avoir pris la décision de faire l’aller-retour Poitiers-Berlin pour un match du Barça. Il est probable que Manuel Valls a durablement abimé son image dans l’opinion. Les prochains sondages barométriques se chargeront de quantifier la chute. Toute récidive serait fatale.

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