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L'éco-guerrier Paul Watson et son ONG Sea Sheperd : l'envers d'une légende médiatique

Dernière actualisation : 23/10/2017, 11:38
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Des Inrocks à Paris Match en passant par Le Dauphiné Libéré, la presse française a publié à l’été 2015 des portraits fort peu critiques de Paul Watson, à l’occasion de la sortie chez Actes Sud de son livre, « Earthforce, Manuel de l’éco-guerrier ». Passé par Greenpeace, ce Canadien de 64 ans a fondé en 1977 l'organisation non gouvernementale Sea Shepherd (Berger des mers). Il s’est spécialisé dans des actions chocs de protection des mammifères marins.

« Preux chevalier du grand large » selon Paris Match, Watson est présenté par Les Inrocks comme le « premier réfugié politique écologiste en France ». « Objet d’une chasse à l’homme internationale pour ses opérations anti-braconnage en haute mer », toujours selon les Inrocks, il est installé en France depuis 2013. A l’époque, dans son numéro du 20 novembre, Le Canard Enchainé avait salué son arrivée.

« Il parcourt les océans pour sauver les baleines à force de batailles navales contre les navires-usines, japonais notamment ». « On le qualifie d'éco-terroriste ? Il fait remarquer qu'en quarante années d'activisme il n'a jamais blessé quiconque ». Mais « cela n'a pas empêché l'Allemagne de l'arrêter le 13 mai 2012 », à la suite d'une plainte du Costa-Rica. L'Allemagne l'ayant libéré sous caution, Paul Watson s'est enfuit aux Etats-Unis, avant de venir en France. Son avocat William Bourdon lui a évité l’extradition grâce à une pétition, signée entre autres par Nicolas Hulot et Brigitte Bardot.

Paul Watson sauvagement attaqué par des baleiniers japonais… 

A moins d'être harponneur de baleine dans l'âme, le lecteur de la presse française, en cet été 2015, ne peut qu'éprouver de la sympathie pour le berger des mers. Cette sympathie est-elle méritée ? Il est permis d’en douter.

Paul Watson opère en haute-mer, sans témoin, face à des pêcheurs qui sont rarement des as de la communication. C'est parole contre parole, à moins que des experts ne s'en mêlent. C'est ce qui est arrivé en 2010.

Deux ans plus tôt, l'Adil Gil, le catamaran de Watson, avait été éperonné par le Shonan Maru N° 2, un baleinier japonais. Le catamaran était en matériaux composites et mesurait une douzaine de mètres de long. Le japonais, trois fois plus long et sans doute vingt fois plus lourd, était en acier. Il avait failli couper en deux l'Adil Gil, le laissant en piteux état. Les médias anglo-saxons avaient dénoncé une agression inqualifiable, vidéo à l’appui (elle est encore en ligne ici). Les images avaient été fournies par une équipe de télévision américaine qui réalisait un documentaire sur Sea Sheperd.

L'incident ayant eu lieu dans les mers du sud et l'Adi Gil ayant son port d'attache à Auckland, l'enquête fut confiée au bureau néo-zélandais des affaires maritimes.

…Ou bien des Japonais inconsidérément agressés par Paul Watson ?

La protection de l'environnement est prise très au sérieux en Nouvelle-Zélande. Qu’il s’agisse de la faune, de la flore ou des ressources marines, le pays fait figure de référence en matière de politiques publiques et de conscience citoyenne.  S’il fallait prêter des préjugés aux enquêteurs néo-zélandais, ils ne seraient pas favorables à la pêche à la baleine. Or, la conclusion  à laquelle sont arrivés ces enquêteurs néo-zélandais est très loin de dédouaner Paul Watson. Accessible en ligne, leur rapport abime sérieusement l’image du preux chevalier du grand large qu’a cru rencontrer Paris-Match.  En voici les principaux enseignements.

Ce n'est pas le navire japonais qui a éperonné l'Adil Gil

C'est l'Adil Gil qui s'est délibérément jeté sous sa proue. La seule chose qu'on peut reprocher au Shonan Maru est de ne pas avoir fait le maximum pour éviter la collision. "Ady Gil  failed to maintain an effective lookout and to take early and substantial action when it became apparent that (...) the risk of collision existed". Les enregistrements du Shonan Maru laissent même penser que l'Adi Gil a recherché la collision ("It was the actions of Ady Gil moving forward that resulted in the collision"), mais les preuves manquent pour être formel.

Les Japonais ont aidé leurs agresseurs

Ils ont immédiatement mis en panne pour porter secours au catamaran qui l'avait assailli. "Shonan Maru No. 2 stopped and remained nearby while preparing a vessel to assist with a rescue".

Paul Watson a tenté de saboter l’enquête

Les Japonais ont communiqué toutes les données qu'on leur demandait ("photographs, video footage, radar screenshots and Voyage data recorder"). Les deux boites noires de l'Adil Gil (des Simrad), en revanche, ont malencontreusement disparu ! C'est seulement par un hasard extraordinaire que les enquêteurs en ont retrouvé une. Un promeneur l'avait retrouvée sur une plage de Tasmanie et envoyé au fabricant, qui l'avait identifiée par son numéro de série. Point extrêmement troublant, les rapporteurs ont la certitude qu’elle été jetée à la mer par un membre de l'équipage de l’Adi Gil ("crewmember responsible").

L’Adi Gil n’aurait jamais dû se trouver là

En 2009, l'Adil Gil avait été jugé par des inspecteurs néo-zélandais comme inadapté à un voyage dans des eaux à icebergs. Paul Watson n'avait pas tenu compte de leurs mises en garde. Les Japonais, au contraire, étaient parfaitement en règle. Ils avaient un permis, ils ne braconnaient pas.

Résumé 

Les baleiniers se sont comportés en professionnels de la mer. Pas Waston. Ils étaient en règle. Pas l'Adi Gil. Ils ont collaboré avec les enquêteurs. Pas Sea Sheperd.

Pete Bethune, skipper de l'Ady Gil, a quitté Sea Sheperd suite à cette affaire. Il n'a jamais pardonné à Paul Watson de lui avoir donné des ordres qui conduisaient tout droit à la collision. La presse britannique, par exemple The Guardian, parle aujourd’hui de Paul Watson avec un certain recul.

Une des raisons qui l’a poussé à choisir la France est peut-être que les défenseurs autoproclamés de la nature y bénéficient d'un préjugé très favorable de la presse. Trop favorable ? Une affaire comparable, opposant Greenpeace à des pêcheurs français sous les yeux d'un journaliste du Point, conduit à le penser. Elle remonte à 2010 mais mérite d’être racontée car elle concerne le dossier emblématique du thon rouge de Méditerranée (voir ici).

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