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Au-delà des attaques au couteau, les dangers pour Israël du conflit le plus vieux du monde.

Dernière actualisation : 23/10/2017, 16:06
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Israël connaît actuellement une vague d’attaques inédites au couteau. Dans sa chronique hebdomadaire aux Echos, Dominique Moïsi évoquait, le 12 octobre 2015, « le spectre d’une troisième intifada ».

Cette chronique était intitulée « En Israël, le désespérant retour du plus vieux conflit du monde ». Elle place les violences actuelles « sous les yeux d’une communauté internationale résignée, à l’indifférence grandissante face à une situation bloquée ». Elle juge que « la solution, on dirait aujourd’hui le rêve, de la cohabitation entre deux Etats, n’existe plus ». Elle considère que « de manière presque perverse, les deux partis semblent se résigner au statu quo ».

Plusieurs points de cette chronique me donnent envie de réagir. Lassitude, indifférence, résignation ? Je ne partage pas la grille de lecture de Dominique Moïsi. L’exaspération est proche. Résignation au statu quo, au motif que la solution à deux Etats est « de facto dépassée » ? Il me semble que le statu quo et l’abandon de la solution à deux Etats sont, tous deux, de grands dangers pour Israël.

Lassitude peut-être, mais aussi exaspération

Dominique Moïsi parle d’un « effet de fatigue et de résignation face à un drame qui nous dépasse ». La communauté internationale est peut-être ou probablement lasse de ce conflit qui est « le plus ancien conflit de la région, sinon du monde ». Toutefois, si la lassitude peut conduire à l’indifférence et au retrait, elle peut aussi basculer dans l’exaspération. Il me semble que celle-ci n’est plus très loin.

En fait, elle est déjà présente, par exemple, dans des propos, fin septembre 2015, de Lars Faaborg-Andersen, Ambassadeur de l’Union Européenne (UE) en Israël : « Pourquoi avez-vous si peur que l’on précise sur les produits qu’ils viennent d’une implantation ? Vous semblez vraiment fiers de votre démarche d’implantation, alors pourquoi est-ce que cela pose un tel problème ? Cela m’intrigue un petit peu ? »

Pas d’indifférence chez les Ministres des Affaires Etrangères

La lassitude se traduit-elle par de l’indifférence ? Non. Face à la lutte contre Daech et à la nouvelle donne créée par l’accord sur le nucléaire iranien, Dominique Moïsi demande : « Comment trouver du temps, sinon garder de l’intérêt pour un dossier à ce point décourageant et insoluble ? » Force est de constater que de nombreux Ministres des Affaires Etrangères trouvent du temps à consacrer à ce conflit.

Le 20 juillet 2015 à Bruxelles, le Conseil européen des 28 Ministres des Affaires Etrangères a formulé, dans un communiqué de 3 pages, ses conclusions sur le processus de paix au Proche-Orient. Plus récemment, le 30 septembre à New York, une trentaine de Ministres des Affaires Etrangères se sont réunis pour échanger sur ce conflit sans participant israélien, ni palestinien. Entre autres, participaient à la réunion les ministres des Etats-Unis, de la Russie, de la France, de la Chine, de l’Egypte et de l’Arabie Saoudite.

Pas de résignation de l’Union Européenne

La lassitude mène-t-elle à la résignation ? Non. Il me semble que l’Union Européenne est loin d’être résignée pour deux raisons à propos du conflit israélo-palestinien.

On est résigné lorsqu’on ne sait pas quoi faire. L’UE sait, au contraire, qu’elle a matière à agir. Elle a déjà plusieurs idées de pression qu’elle pourrait exercer sur Israël : pressions politiques, juridiques, financières, scientifiques… Elle sait qu’elle a le pouvoir d’isoler davantage Israël. Fin 2014, des diplomates européens avaient préparé une première liste d’éventuelles sanctions à l’encontre d’Israël. Fin septembre, son Ambassadeur en Israël était explicite : « Je pourrais penser à plusieurs autres domaines dans lesquels nous serions probablement capables de mettre plus de pression, si c’est ce que nous voulions ».

On est résigné lorsqu’on est impuissant. L’UE, seule, est impuissante dans des dossiers internationaux comme la Syrie, Daech, voire l’Ukraine. Lorsqu’il s’agit d’Israël, l’UE sait qu’elle peut agir seule et qu’elle peut exercer sa puissance sans être divisée, ni entravée. Elle sait, de plus, qu’elle n’a pas à craindre, en retour, des violences, des représailles, des boycotts ou des attentats. Quand on a plusieurs fois été réduit à l’impuissance, pourquoi se résigner à ne pas agir lorsqu’on a le pouvoir de le faire ? Peu importe alors l’objectif poursuivi et l’efficacité de l’action.

Le statu quo est dangereux.

Dominique Moïsi considère que « la solution des deux Etats est de facto dépassée ». En l’absence d’alternative, reste le statu quo… sauf que « la situation empire avec le temps sous l’effet d’une double radicalisation politique et religieuse ». A propos du statu quo, Dominique Moïsi écrit : « Il est ‘confortable’, sauf pendant les périodes récurrentes d’explosions de violence pour les Israéliens. Il l’est beaucoup moins pour les Palestiniens, mais n’auront-ils pas demain leur revanche sur le terrain de la démographie ? ».

Si l’on va au bout du raisonnement, le statu quo est beaucoup plus dangereux pour les Israéliens que pour les Palestiniens car aucun péril ne menace à terme les Palestiniens tandis que les Israéliens juifs courent, eux, le risque d’être « tout simplement minoritaires dans l’Etat hébreu ». Il y a, de plus, urgence à agir car, comme le souligne Dominique Moïsi, la radicalisation politique et religieuse gangrène les deux camps. Or la radicalisation vise des absolus et est, le plus souvent, contraire à l’idée de compromis.

L’abandon de la solution à deux Etats serait, lui aussi, dangereux.

Si le statu quo est dangereux pour les Israéliens, alors pourquoi enterrer maintenant la solution à deux Etats ? Il y a probablement de la lassitude chez Dominique Moïsi et chez d’autres experts internationaux.

Pour autant, quel est l’intérêt de sonner le glas pour cette solution lorsqu’on n’a rien de mieux à proposer en remplacement ? La solution à deux Etats est, depuis des décennies, au cœur des politiques onusienne, américaine et européenne visant à résoudre le conflit israélo-palestinien. Si, comme l’écrit Dominique Moïsi, cette solution était « de facto dépassée », alors quelle serait la nouvelle politique de l’ONU, des Etats-Unis et de l’UE au Proche-Orient ? Certainement, une politique de sanctions à l’encontre d’Israël.

En effet, si l’on se réfère aux conclusions de l’UE en juillet 2015, la solution à deux Etats est uniquement menacée par la politique israélienne des implantations. Et quand elle menace d’exercer des pressions, l’UE envisage uniquement des pressions sur Israel, même si elle écrit dans ses conclusions : « Intra-Palestinian reconciliation is an important element for reaching the two state solution ».

Interpeller les Israéliens… mais aussi les Palestiniens

Dominique Moïsi termine sa chronique en posant implicitement la question du leadership actuel en Israël. Il interpelle : « Mais comment dire aux Israéliens que le premier péril qui menace à terme Israël - dans son existence en tant qu’Etat juif démocratique – ce n’est ni l’Iran, ni Daesh…, ni les couteaux des Palestiniens, mais une politique d’occupation qui sape les fondements mêmes, politiques et éthiques de l’Etat ». Puis, il évoque Yitzhak Rabin qui a été assassiné il y a déjà 20 ans : « sa personnalité, courageuse, modeste et lucide, a fait et continue de faire cruellement défaut ».

Si je partage le questionnement et l’interpellation de Dominique Moïsi à propos d’Israël, je regrette leur caractère unilatéral visant uniquement Israël. Pourquoi ne pas interpeller aussi les Palestiniens ? Pourquoi ne pas poser aussi la question du leadership palestinien ?

 Au Proche-Orient, la situation actuelle, dramatique et désespérante, n’est pas imputable uniquement aux Israéliens. Au final, un grand danger pour les Israéliens est qu’ils sont vus comme les seuls responsables de cette situation et comme les seuls sur qui exercer des pressions, puis des sanctions.

Commentaires (1)

  • Serge a écrit le 21/10/2015, 15:04
    j'aime bien Dominique Moïsi et sa tête d'Einstein qui lui donne cette image de sage que d'aucuns aimeraient posséder. Là où je trouve qu'il ne l'est plus (sage) c'est lorsque je l'entends un matin sur France Inter exprimer sa désespérance face à ce conflit et terminer par un (cité approximativement): "Finalement, on se demande si c'était une si bonne chose que ça d'avoir créé l'État d'Israël en 1948". On a déjà entendu cette même réflexion dans la bouche d'un ambassadeur occidental. qui a été traité, lui, d'antisémite.
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