Mais que cherche Marc Trevidic dans les médias? - Mediapicking
ATTENTATS
  • #MarcTrevidic
  • #Attentats
  • #Juge
  • #Antiterroriste
  • #CharlieHebdo

Mais que cherche Marc Trevidic dans les médias?

Dernière actualisation : 02/12/2015, 09:00

Marc Trevidic n’a jamais été un juge comme les autres. Déjà par la nature des affaires qu'il a eu à traiter en tant que juge d’instruction au pôle anti-terrorisme du tribunal de grande instance de Paris, de 2006 à 2015. Ensuite, et surtout, parce qu’il sait faire preuve d’un franc-parler, quand la liberté d’expression et de ton sont rares dans la magistrature. S’il était déjà connu de l’écosystème médiatique depuis un moment, à travers le traitement d’affaires aussi sensibles que celles des moins de Tibhirine ou de l'attentat de Karachi, les Français ont découvert son visage et sa voix au cours du weekend qui a suivi les terribles attaques du 13 novembre. «Après les attentats, la seule action qui m’était permise, c’était de parler » raconte-t-il au Monde, dans une interview-clé pour comprendre le personnage.

Alors qu’il n’est plus “que" vice-président au tribunal de grande instance de Lille, il est intervenu partout : presse écrite, nationale ou régionale, radio, télévisions, en France mais aussi à l’étranger. Il a symbolisé dans les médias cette lutte anti-terrorisme, dans sa rigueur mais aussi dans ses failles, le magistrat n’hésitant pas à avoir une lecture critique de la gestion de crise de la France de l’après-Charlie. Pourquoi ? Parce que dans cette période où tous les repères semblent avoir disparu, alors que notre garde des sceaux est anormalement absente des plateaux, les journalistes, mais aussi les citoyens, avaient besoin de mettre un visage sur la justice, l’un des derniers remparts à la barbarie, mais aussi sur la protection des libertés individuelles face à un état d'urgence imposé. En regard d’une parole politique dont la crédibilité risque de s'user au fil des interventions, celle d’un expert, plus technique et plus opérationnel, est nécessaire.

 "Le pire est devant nous"

"Je n'avais pas de plan médias" affirme Marc Trevidic à FranceTV Info lorsqu’on l'interroge sur cette omniprésence médiatique, qui fait sourire certains journalistes et agace certains de ces collègues. Sans doute. En revanche, sa communication est ultra-réfléchie, son discours est extrêmement bien maîtrisé, ses mots sont accessibles à tous. Il passe bien dans les médias, il le sait et il en joue physiquement, affichant rarement une cravate, à rebours des codes et idées reçus sur les magistrats. Il a un message clair, qu’il n’hésite pas à marteler : “le pire est devant nous”. Cette vision pessimiste, il l’avait développée le 30 septembre dernier dans une interview horriblement prémonitoire  accordée à Paris-Match : « Les jours les plus sombres sont devant nous. La vraie guerre que l'EI entend porter sur notre sol n'a pas encore commencé () L'idée que nous soyons un jour confrontés àune ou plusieurs campagnes d'attentats majeurs ne peut être écartée ». Aujourd'hui, muté obligatoirement dans le Nord après dix ans de spécialisation, conformément à la loi, il redécouvrait la justice au quotidien, comme le racontait la Voix du Nord dans son portrait le 19 octobre dernier, quand la réalité l'a rattrapé.

Une posture qui dépasse le seul cadre des attentats

Pourtant, en temps de crise ou en temps plus cléments, le fonds de sa pensée n'a jamais dévié, même si on n’a voulu retenir que ses avertissements ou sa frustration à l’idée de ne plus être au centre de l’action anti-terroriste, cette “drogue" comme il la qualifie lui-même. Marc Trevidic croit en la justice, et en est avant-tout un ardent défenseur. Il s’était particulièrement illustré lorsque Nicolas Sarkozy voulait supprimer le juge d’instruction, s'opposant fermement à cette mesure. «Jai 50 ans et encore la vocation et la passion de ce métier. Parce que je lai vraiment choisi. Parce quune démocratie a besoin de justice. Et parce que cest lune des dernières institutions qui puissent empêcher que nexplose le pacte social ». Cette citation extraite de son interview dans Le Monde symbolise bien la posture du magistrat, une posture qui dépasse le seul cadre des attaques du 13 novembre, même si elle prend une résonance particulière dans ce contexte grave. En creux de toutes ses interventions, il rappelle le manque de moyens affectés à la justice, ce pilier de notre République - « Il est vital de renforcer les effectifs des magistrats et des enquêteurs de police judiciaire » dans Les Echos, « Nous sommes en face d'un sous-dimensionnement évident, problématique »dans L’Obs, ou encore « Surtout que les moyens affectés àla lutte antiterroriste frôlaient lindigence, que nous navions pas assez denquêteurs, plus personne pour perquisitionner, et que nous allions dans le mur.»dans Le Monde.

Reprendre du service

Même quand il demande à reprendre du service, ce n’est forcément pour reprendre stricto sensu son ancien rôle au sein du pôle anti-terrorisme. Conscient de la nécessité de respecter de manière exemplaire la loi, il ne veut pas créer d'exception Trevidic. Si, sur BFM TV, il affirme de manière très directe, « Ce n'est pas que je n'en ai pas assez bavé, mais bien sûr que je le ferai. Avez-vous vu la situation? () Si on a besoin de moi, franchement, il n'y a pas de problème mais ce n'est pas àmoi de décider », il précise son ambition dans Le Monde : « Mais il y a peut-être dautres façons daider àla lutte antiterroriste que de revenir àmon ancien bureau. Est-ce quon va mettre en place, àcôtéde linstruction antiterroriste, de nouveaux systèmes comme une structure de déradicalisation contrôlée par la justice ? Il peut y avoir des choses dans lesquelles je pourrais être utile. Je peux aussi donner mon point de vue et quelques conseils sur des projets àvenir, comme je lai souvent fait lorsque j’étais en poste, devant telle commission des lois ou tel ministre ».

Vertige de la politique?

La proposition est lancée. Originale, claire et précise, mais surtout qui le sort de son rôle de magistrat. « On sent une certaine sensibilité chez lui. Ce n'est pas qu'un homme de dossiers et de procédures » raconte le journaliste Dominique Verdeilhan, chroniqueur judiciaire pour France Télévision. Alors qu’une pétition réclame son retour à Paris, pourra-t-on assister à la mue de Marc Trevidic en homme politique ? Il affirme le contraire en déclarant qu'il se fout de la politique et des sondages. Mais, il en a déjà pris quelques codes, en affichant sans complexes ses penchants musicaux et littéraires, comme le rappelle France TV Info, en rediffusant l'extrait de l’émission Thé ou Café, où il avait chanté Vertige de l'amour d'Alain Bashung en 2011. Tout à fait à la manière décontractée et sans langue de bois de ceux qui sont aujourd’hui plébiscités par les Français, et qui ne sortent pas du sérail politique, à l'image d’un Emmanuel Macron par exemple.

Commentaires (0)

Votre commentaire a bien été enregistré et est en attente de validation.