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Fin de la COP21, Accord de Paris. Pourquoi les journaux sont à la fois positifs et réservés

Dernière actualisation : 04/09/2017, 16:37
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La COP21 s’est achevée samedi 12 décembre en début de soirée. 195 pays ont communié, négocié, puis quasiment à la dernière minute, se sont mis d’accord pour « sauver la planète ». C’est donc un happy end ! Voix émue d’un Laurent Fabius retenant ses larmes, longue standing ovation d’une assemblée s’auto-congratulant, « un moment de transe collective » dira l’un des négociateurs… Samedi soir, l’émotion était au rendez-vous. Les chaînes de télévision avaient de très belles images.

La couverture de cet accord était plus délicate, en France, pour les journaux du lundi 14 décembre, une fois l’émotion retombée et sachant que le dimanche 13 était jour d’élections régionales. Comment être à la fois positif, lucide et réservé sur un accord « historique » sans gâcher la fête ?

Les élections régionales loin devant la COP21

Le 14 décembre, les élections régionales écrasent la COP21 dans les principaux journaux nationaux : 14 pages dans Le Monde, 13 pages dans Le Figaro et 12 pages dans Libération pour les élections. En face, 6 pages dans Libération et seulement 2 pages dans Le Monde et dans Le Figaro pour la COP21.

La COP21 apparaît également en mineur en Une des journaux. « Sursis républicain », titre ainsi Le Monde en très gros, puis « un accord historique mais fragile à la COP21 » en plus petit. Même hiérarchie en Une du Figaro et de Libération. Les Echos se distingue et donne, lui, la même place aux deux sujets en Une et dans ses pages intérieures.

Le héros surmonte les dernières épreuves.

Les journaux du 14 décembre associent deux types d’articles : le récit de la fin de la COP21 et la présentation de l’accord obtenu. Le récit est, ici, plus facile que l’analyse.

La COP21 a son héros : Laurent Fabius, chef de file d’une diplomatie louée et admirée aux quatre coins de la planète. Il faut lire, sur ce sujet, l’article de Politico : « How the Paris climate deal got done ». Le NY Times rend hommage, lui aussi, à « the French longstanding traditions of diplomacy ». Le Monde et Libération ne sont pas en reste et consacrent, chacun, un article à Laurent Fabius et à la délégation française : Laurent Fabius est ainsi « le cerveau du pacte » dans Le Monde et « La diplomatie française fait l’unanimité » dans Libération.

Le héros a surmonté les dernières épreuves qui auraient pu être fatales à l’obtention d’un accord. Nous avons donc droit aux « trois grains de sable qui ont failli faire capoter in extremis les négociations » dans Le Monde et aux « trois folles journées qui ont failli faire chavirer la COP21 » dans Les Echos.

Analyser l’accord sans jouer les trouble-fête

Les journaux célèbrent la dynamique qui vient de s’enclencher avec l’accord de Paris. Mais il faut aussi analyser l’accord, aller au-delà des adjectifs et des formules qui ont accompagné sa proclamation : historique, ambitieux, universel, « le meilleur équilibre possible », « un accord politiquement contraignant ». Et là, les journaux ont des questions, des réserves. Ils sont lucides sur ce qui manque. Comme il ne faut pas jouer les trouble-fête, les grincheux, les pisse-froid (un comble en matière de réchauffement climatique), les journaux y vont mezzo voce. Les titres reflètent cette tonalité.

Libération questionne en Une « COP21, un succès durable ? ». S’il entend ensuite être positif avec « Un cap de bonne espérance », il souligne dans le chapeau que « l’enjeu sera de dépasser le stade des bonnes intentions ». Même schéma dans Le Figaro où un titre saluant un accord historique est suivi d’un chapeau indiquant que « de nombreuses questions pratiques restent en suspens ».

Les Echos joue sur deux registres : « Climat : un accord, des questions » en Une, puis « Un accord historique, une mise en œuvre à hauts risques ». Le Monde, lui aussi, a un titre balancé : « Climat : un accord historique, mais fondé sur ‘un droit mou’ ». Il avertit dans son chapeau : « l’application [de l’accord] dépendra de la bonne volonté des Etats ».

Regarder au-delà des carences de l’accord

Les articles qui analysent l’accord de Paris ne manquent pas de rappeler que les contributions remises par les pays limitent, à date, le réchauffement à 3°C, qu’il reste encore la moitié du chemin à faire pour atteindre l’objectif « ambitieux » de 1,5°C, que ces contributions nationales sont volontaires et ne font pas partie de l’accord, qu’un accord contraignant sur les gaz à effet de serre aurait l’obligation d’être soumis au Sénat américain qui l’invaliderait, que seuls le monitoring et le reporting des émissions est obligatoire, que la contribution de 100Mds$ par an n’apparaît pas dans l’accord, mais dans une annexe, que l’accord exclut les transports aériens et maritimes et ne prévoit aucun prix mondial pour le carbone…

Les journaux rappellent certains de ces éléments, mais ils ne veulent pas gâcher la fête. Les Echos décrypte que « l’accord fait le pari de la confiance et de la transparence » : des engagements nationaux volontaires associés à une obligation de reporting, pour pointer du doigt et désigner à l’opprobre ou à la vindicte les pays qui ne respecteraient pas leur parole. C’est le « droit mou » dont parle Le Monde. C’est la différence, peu expliquée, entre un accord juridiquement contraignant et cette nouvelle catégorie inventée pour des besoins de communication : « un accord politiquement contraignant ».

Libération est, de loin, le plus critique sur les avancées et les carences de l’accord de Paris, mais semble considérer avec Kumi Naidoo, Directeur de Greenpeace, que « c’est une base pour gagner la bataille ».

Des journalistes embarqués dans une célébration planétaire

La planète a crié « victoire » à l’unisson lorsque Laurent Fabius a abaissé son marteau et a proclamé l’accord. Deux jours après, les journaux sont à la fois positifs, lucides et réservés.

Face à l’émotion et à l’idée très valorisante d’avoir sauvé la planète, ils ne peuvent pas jouer les trouble-fête dans l’analyse technique d’un accord de 39 pages, disponible en ligne en français, mais que personne ne lira. Ils peuvent d’autant moins jouer ce rôle qu’un accord est toujours préférable à une absence d’accord, qu’ils réclamaient un accord depuis des mois, voire des années et qu’ils ont déjà couvert les difficultés qui ont dû être surmontées pendant les négociations.

Alors, de bon cœur ou à leur corps défendant, ils participent à une célébration planétaire en mettant l’étouffoir sur la communication politique qui va avec, tout en prenant date pour les prochaines étapes.

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