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Julien Lepers viré, un drame national. Plongée dans un emballement médiatique

Dernière actualisation : 24/10/2017, 14:55
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Viré, écarté, renvoyé, poussé vers la sortie… Je suis… Julien Lepers. C’est facile, mais pourquoi s’en priver ? Le 14 décembre, c’était le deuxième emballement médiatique de la journée après l’agression terroriste inventée par un enseignant d’Aubervilliers, c’était aussi la deuxième personnalité virée dans la journée après la punition de NKM privée de son poste de Vice-Présidente des Républicains.

Tout a commencé une « information exclusive » de Télé Star sous le titre « Julien Lepers viré de Questions pour un champion ! [Exclu] ». L’info a ensuite été reprise en boucle sur de nombreux sites web, d’abord avec un point d’interrogation, puis avec la réaction de Julien Lepers, puis sans point d’interrogation. Elle a tourné sur les réseaux sociaux avec plus de 21.000 partages sur Facebook pour Télé Star et de nombreux tweets qui ont, eux-mêmes, généré de nouveaux articles. Il faut dire que Télé Star parle d’un « tremblement de terre » et le journal belge, Le Soir, d’un « tsunami ».

Un vocabulaire de circonstance après la COP21 et le choc des élections régionales. Surtout, une dramatisation et un emballement médiatique qui interpellent.

Le choix médiatique de dramatiser la séparation

« Julien Lepers viré ». Télé Star choisit de dramatiser son info exclusive. Le vocabulaire est violent pour parler d’une séparation dont on a du mal à imaginer qu’elle n’ait été ni préparée, ni négociée.

Pour rappel, il y a au moins trois acteurs dans cette affaire : France 3 dans le rôle du diffuseur et du client, Fremantle dans le rôle du producteur et du fournisseur et Julien Lepers dans le rôle de l’animateur, prestataire ou salarié du précédent. Dans les seconds rôles, il y a toute l’équipe technique et de production de l’émission, ainsi que les candidats à la succession puisque Télé Star nous dit : « seule certitude, des castings sont en jeu ». A priori, rien à voir avec le départ de Claire Chazal du JT de TF1.

Avec autant d’acteurs et une ancienneté de 27 ans, comment imaginer une rupture brutale fomentée dans le dos de l’intéressé, sauf à avoir un goût immodéré pour les contentieux ? Julien Lepers se dépêche d’ailleurs de calmer le jeu. Il déclare à Télé Star : « Vous savez, il faut rester décontracté dans la vie ! ». Alors, pourquoi parler d’un animateur « viré » et mettre en scène une confrontation sociale avec « la direction de la chaîne », comme s’il s’agissait d’une mise à pied ou d’un licenciement ? Tout simplement, parce que personne n’aurait cliqué ou partagé dans le cas d’une séparation négociée.

Un procès en jeunisme quand l’animateur a 66 ans

Vient ensuite le motif du renvoi. Julien Lepers a 66 ans. Télé Star écrit : « la direction souhaiterait rajeunir ses têtes d’affiche ». Le Point poursuit avec ironie : « le jeunisme fait encore une victime ». Il fait un parallèle avec une affaire qui remonte au début du siècle : le remplacement raté de Philippe Bouvard sur RTL pour raison d’âge. Le Figaro ressort, quant à lui, des propos tenus, fin 2014, par la directrice des programmes de France 3 : « moderniser et retravailler certaines marques dont les audiences baissent ».

Nous savons, tous, que la télévision est un monde à part, un miroir de notre société, mais un miroir magique parce que déformant. Du haut de ses 74 ans, Michel Drucker ne continue-t-il pas de faire le bonheur de France 2 ? Pour autant, 66 ans, c’est au-delà de l’âge légal de la retraite. Manquerait-il à Julien Lepers quelques trimestres de cotisations ?

Plus sérieusement, personne n’imaginerait un tel émoi dans une entreprise ou dans une administration (France Télévisions est une entreprise appartenant à l’Etat) lors du départ d’un cadre à 66 ans. De même, chacun s’interrogerait dans une entreprise (peut-être pas dans une administration) si un cadre occupait le même poste pendant 27 ans. Alors, dans une France frappée par le chômage de masse, pourquoi tant d’émoi quand un employeur se sépare d’un cadre de 66 ans ?

Perte d’un talent, perte de ses propres repères

Oui, pourquoi cette émotion ? D’abord, parce que Julien Lepers a du talent, des mimiques, des formules qui l’ont, depuis longtemps, fait sortir de la case de 18h10 à 19h sur France 3. Le Figaro écrit : « [ses] prestations régalent les différents zappings ». Souvent parodié, jamais égalé. Le Point enfonce le clou : « Julien Lepers remuait ses fiches jaunes comme personne et portait la cravate multicolore comme aucun VRP avant lui... Il était la voix, le visage et le style de cette émission ». Bel hommage !

Au-delà du talent, il y a la crainte de perdre ses repères dans une France qui s’interroge en permanence sur son identité. Quand on a vieilli avec Julien Lepers pendant 27 ans, le voir partir, c’est basculer du présent dans le passé, c’est plonger dans la nostalgie d’une époque heureuse et révolue, c’est aussi se voir un peu partir. Personne n’en a envie.

Il va, en plus, falloir s’habituer à un nouvel animateur, très certainement une femme, peut-être même « [appartenant] à ces minorités visibles que, selon l’autorité de contrôle du PAF [le CSA], on ne voit pas assez », s’amuse Le Point. Dans une France qui a failli voir le FN accéder à plusieurs présidences de région, Télé Star avertit en dernière phrase de son info exclusive : « reste à savoir quelle sera la réaction du public, très attaché au jeu et à son animateur ».

Sources officielles, sources officieuses

Bon, revenons au traitement médiatique de cette séparation. Les journalistes font leur travail et interrogent France 3 et Fremantle. Ils reçoivent la réponse habituelle que chacun sait désormais décrypter : ni commentaire, ni démenti. « Une nouvelle qui sort de nulle part », déclare Fremantle qui, si l’on se fie à Télé Star, est en plein casting « pour dénicher la perle rare », dixit Le Point.

Chez France 3, on veut sauvegarder ou promouvoir les acquis, à savoir les émissions spéciales de Noël déjà enregistrées par Julien Lepers. Le journaliste du Figaro est pugnace, il demande quelles sont les dates d’enregistrement pour janvier 2016. Pas de réponse. C’est bien la preuve que Julien Lepers est écarté.

La palme de l’investigation revient à l’AFP qui a le mérite de ne pas tomber dans la dramatisation des autres médias, mais qui titre à côté... sans mentionner l'info du jour : « Julien Lepers [serait] en négociations avec France 3 pour d’autres projets ». Le journaliste de l’AFP a contacté France 3 et Fremantle, mais ceux-ci ne lui ont officiellement rien dit. L’AFP justifie sa dépêche en citant un Télé Star édulcoré et assaisonné de conditionnel : « Télé Star affirme que l’émission pourrait changer de présentateur ». Audacieuse, elle cite une source officieuse : « des discussions sont en cours avec France 3, a-t-on confirmé de source proche de la chaîne ». Politique, elle dédouane Delphine Ernotte du départ de Julien Lepers.

Vivement le prochain emballement médiatique ! Ou le prochain remaniement quand des ministres seront virés, écartés, congédiés… parce qu’ils sont trop jeunes ou parce qu’ils n’ont pas de talent.

Commentaires (1)

  • ubaud marie-hélène a écrit le 27/12/2015, 13:11
    aLLEZ CONTRE LES SOUHAITS , LES GOÜTS DU PUBLIC n'est jamais bon
    vouloir rajeunir pourquoi' les jeunes ne regardent pas la télé !
    pourquoi toujours niveler par le bas
    je conseille à une autre chaîne de prendre julien lepers dans son équipe: nous le suivrons tous :ce sera un gain d'audience pour cette chaîne
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