Une fois passé le choc émotionnel légitime des photos, il nous faut reconnaître que le problème des migrants n’est pas nouveau. A travers le personnage d’Abraham, la Bible avait déjà mis l’accent sur la question des personnes déplacées, Abraham étant la plus belle illustration de l’étranger allant vivre hors de son lieu de naissance. Cependant on se souviendra aussi qu’Abraham était doté de fortune, de serviteurs et de bétail et qu’il ne portait pas préjudice aux territoires par lesquels il transitait.

Des rapports parfois conflictuels…

Il est intéressant de noter à ce propos les rapports difficiles qu’il a eus avec Abimelech Roi de Guérar, en particulier à l’occasion de l’enlèvement de sa très belle femme, Sarah. On se souviendra aussi à ce propos de l’intervention d’Abraham auprès de Dieu pour restaurer la fertilité des femmes du Roi, ce qu’il fit, apportant ainsi la démonstration de son expertise médicale.

Pour conclure sur cette analogie biblique rappelons que les rapports tendus entre  Abimelech et Abraham se sont terminés par la signature d’un traité de paix entre les deux personnages, donnant naissance au premier traité de paix connu au Moyen Orient, un traité  qui perdurera de nombreuses années. Dans notre livre sur le « Leadership dans la Bible » aux Editions Eska, nous avons été frappés par l’analogie des rapports de ces deux leaders avec ceux qu’ont entretenus à l’époque Anouar El Sadate et Menahem Begin.

…Débouchant sur des accords gagnant-gagnant

Pour conclure sur le thème des migrants d’antan, on notera, que cette vague d’immigration biblique a été souvent issue de flux migratoires dotés de moyens importants, désireux de s’intégrer et prêts à partager leur technologie.

Rappelons enfin que le mot étranger est celui qui apparaît le plus souvent dans la Bible (trente six fois si je ne m’abuse) et que l’une des injonctions majeures prononcées par Dieu à l’intention des Israelites a été d’accorder une attention majeure à l’étranger car "souviens toi que tu as été étranger en terre d’Egypte".

Des mouvements migratoires prévisibles

Faisons maintenant un retour sur les migrants d’aujourd’hui. Le spectacle observé par les démographes, les sociologues et autres politiciens est celui d’une instabilité mondiale viscérale. Une récente étude faite par Gallup (antérieure à la déferlante actuelle) a mis en évidence le fait que 16 % de la population adulte mondiale soit environ sept cents millions de personnes souhaitent émigrer vers un autre pays. Et bien sûr, les pays recherchés sont les pays développés où règne la paix plutôt que les zones de conflit pauvres et dans la détresse.

Les phénomènes que nous observons avec leur dramatisation étaient donc tous prévisibles et pourtant peu d’Etats s’y sont préparés. Ce qui peut surprendre par contre, c’est leur intensité, et leur accélération conduisant aux situations dramatiques que nous observons; elles ont interpellé l’européen moyen qui replié sur lui-même, et sur ses problèmes internes n’avait rien prévu pour intégrer cette déferlante d’immigrés venus de partout, pour aller je ne sais où en Europe. 

Un déséquilibre issu de la mondialisation

Mais à la réflexion, ce problème n’est pas un épiphénomène, il est à l’image des autres grands défis que nous affrontons, la question du climat, l’épuisement des ressources, le développement durable. Le problème des migrants n’est pas seulement un  problème artificiel de sémantique limité à tel ou tel pays. Sa solution passe d’abord et avant tout par les pays à l’origine des flux migratoires. Mais cela ne suffira pas. Il faudra du temps, un nouvel état d’esprit au niveau mondial pour lui trouver des solutions adaptées car aucun pays ne pourra seul le résoudre.

Seule une gouvernance mondiale à inventer pourra y faire face. Alors peut-être réalisera-t-on que la venue de ces migrants n’a pas qu’un aspect négatif et qu’ils peuvent eux aussi à l’image d’Abraham apporter dans la durée leur contribution à l’humanité et aux pays hôtes.