Sondage sur la primaire dans Le Monde: cercle vertueux pour l'un, cercle vicieux pour l'autre. - Mediapicking
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Sondage sur la primaire dans Le Monde: cercle vertueux pour l'un, cercle vicieux pour l'autre.

Dernière actualisation : 13/09/2017, 15:54
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L’élection présidentielle de 2017 sera une élection à trois, voire quatre tours, si l’on considère que la primaire se joue en deux tours. A date, les certitudes sont rares : Marine Le Pen est candidate, elle sera l’un des deux finalistes et son rival au dernier tour a de fortes chances d’être le prochain Président de la République. L’objectif est donc de passer les trois premiers tours et d’atteindre la finale.

C’est la nouvelle règle du jeu. Elle consacre la tripartition de la vie politique française. Elle fait que de nombreux électeurs, à gauche comme à droite, expriment des intentions de vote en faisant l’hypothèse que l’un de ces deux camps n’atteindra pas la finale. Elle est au cœur d’un sondage IPSOS pour le Cevipof et Le Monde, publié dans l’édition du 10 février. Dans sa présentation des résultats, Le Monde écrit ainsi : « le choix du candidat des Républicains est de nature à modifier sensiblement les intentions de vote au premier tour de la présidentielle ». Aux participants à la primaire, il dit implicitement : faites le bon choix !

Un sondage montrant que la présidentielle dépend de la primaire

L’étude IPSOS porte sur un échantillon représentatif de plus de 21.000 personnes. Près de 15.000 des sondés sont certains de voter au 1er tour de l’élection présidentielle en avril 2017 et 1.333 des sondés sont certains de voter au 1er tour de la primaire de la droite et du centre en novembre 2017.

Cette étude donne Alain Juppé vainqueur du 1er tour de la primaire avec 44% des voix et vainqueur du 1er tour de la présidentielle avec 31% des voix. A la primaire, il serait suivi par Nicolas Sarkozy (32%), Bruno Le Maire (11%) et François Fillon (9%), les candidats suivants réunissant ensemble 4% des voix.

Comme d’autres sondages qui recueillent les intentions de vote et les pronostics de victoire pour la primaire et pour la présidentielle, cette étude illustre comment les sondés ont intégré la nouvelle règle du jeu d’une présidentielle à quatre tours. Elle contribue, à son corps défendant, à un cercle vertueux pour Alain Juppé et à un cercle vicieux pour Nicolas Sarkozy et les autres candidats. Ce cercle, vertueux ou vicieux selon le point de vue adopté, joue sur trois ressorts.

Voter à la primaire en fonction des sondages pour la présidentielle

Premier ressort : miser à la primaire sur le candidat annoncé comme le mieux placé au 1er tour de la présidentielle. On a beaucoup dit que l’élection de 2012 avait été une élection contre Nicolas Sarkozy. Le même phénomène devrait se reproduire en 2017 contre François Hollande. Des participants à la primaire ont pour premier objectif d’éviter sa réélection. Ils veulent que la primaire soit gagné par un candidat assuré d’être qualifié pour le 2ème tour de la présidentielle, à savoir la finale contre Marine Le Pen.

A la primaire, ces électeurs vont donc voter en fonction des résultats des sondages pour le 1er tour de la présidentielle (face à un François Hollande à 20%, l’étude IPSOS donne Alain Juppé à 31%, Nicolas Sarkozy à 21% et François Fillon à 19%). Ils vont s’éloigner des candidats (Nicolas Sarkozy et François Fillon) qui font plus ou moins jeu égal, dans les sondages, avec le président sortant au 1er tour. Ils vont leur préférer le candidat (Alain Juppé) ayant la plus grande avance dans les sondages.

Aligner le vote avec le pronostic de victoire à la primaire

Les deux autres ressorts relèvent de la prophétie auto-réalisatrice : l’anticipation de la victoire appelle la victoire. Dans l’un, on pronostique la victoire d’Alain Juppé à la primaire avant de voter pour lui au 1er et/ou au 2ème tour de cette élection. Dans l’autre, on envisage Alain Juppé comme deuxième choix au 1er tour de la primaire avant de voter pour lui au 1er et/ou au 2ème tour. Illustrons cela par quelques chiffres.

Alain Juppé est donné gagnant de la primaire par 63% des Français, par 56% de ceux qui sont certains d’y participer, par 95% de ceux qui voteront pour lui à la primaire, par 48% de ceux qui voteront pour Bruno Le Maire et par 39% de ceux qui voteront pour François Fillon. Dans le même temps, Nicolas Sarkozy est donné gagnant de la primaire par 22% des Français, par 30% de ceux qui sont certains d’y participer, par 82% de ceux qui voteront pour lui à la primaire, par 8% de ceux qui voteront pour Bruno Le Maire et par 12% de ceux qui voteront pour François Fillon.

Au 1er ou 2ème tour, voter pour le candidat qui est le 2ème choix

35% des électeurs d’Alain Juppé et de Nicolas Sarkozy au 1er tour de la primaire disent pouvoir changer d’avis. 16% des électeurs de Nicolas Sarkozy prennent Alain Juppé comme deuxième choix, tandis que seulement 11% des électeurs d’Alain Juppé prennent Nicolas Sarkozy comme deuxième choix. L’écart est encore plus grand parmi les électeurs de Bruno Le Maire. 49% d’entre eux disent pouvoir changer d’avis. 24% prennent Alain Juppé comme deuxième choix, tandis que seulement 9% prennent Nicolas Sarkozy.

Les réponses sur le deuxième choix et sur les pronostics de victoire donnent une idée des réservoirs de voix. Celui d’Alain Juppé serait plus grand que celui de Nicolas Sarkozy. Bruno Le Maire, qui arriverait troisième, apparaît comme « le faiseur de roi ». Il bénéficie du fait de n’avoir jamais été président, ni premier ministre, bref d’être neuf. En l’état, le suspense au 2ème tour de la primaire semble réduit.

Parti pris du Monde en faveur d’Alain Juppé

Revenons au cercle vertueux ou vicieux. Comme tout sondage, l’étude IPSOS pour le Cevipof et Le Monde produit des résultats qui objectivent un état de l’opinion. La tripartition de la vie politique française et l’impératif de se qualifier pour le 2ème tour de la présidentielle font que ces résultats contribuent à une dynamique favorable pour Alain Juppé et défavorable pour Nicolas Sarkozy.

Cette dynamique semble assumée et voulue par Le Monde. Le journal titre en Une, « Alain Juppé s’impose avec force à droite », comme si la course à la primaire était déjà jouée. La photo montre le candidat, seul, assis sur une chaise, à côté d’une chaise vide, comme si son principal rival avait reconnu sa défaite et s’était retiré. On est en pleine prophétie auto-réalisatrice.

Le Monde: "phénomène Juppé" et "électorat personnel"

La double page que Le Monde consacre au sondage IPSOS, est du même tonneau. Son titre, « La primaire à droite, clé de la prochaine élection présidentielle », trouve sa clé de lecture dans le chapeau de l’article principal : « Sarkozy, Juppé, Fillon… Selon le candidat choisi par la droite, le rapport des forces de 2017 sera très différent, démontre l’enquête électorale du Cevipof ». Le message est limpide : si la droite choisit le bon candidat à la primaire, elle est certaine de gagner la présidentielle.

Deux titres renforcent la démonstration : « Face à Nicolas Sarkozy, Alain Juppé creuse nettement l’écart » et « La qualification de Hollande au second tour très incertaine ». Dans un article, Alain Juppé est présenté en « position de force » pour la primaire et pour le 1er tour de la présidentielle. Il est question, dans un autre article, d’un « phénomène Juppé » et d’un « électorat personnel » d’Alain Juppé qui viendrait s’ajouter à « l’électorat naturel » de la droite. En résumé, si c’est Juppé, le match est plié. La démonstration du Monde devrait, en toute, logique, nourrir le cercle vertueux et conforter l’avance d’Alain Juppé.

A la primaire, des votants plutôt âgés et aisés, voire "tactiques" pour près de 30%

Qui va participer à la primaire ? Qui sont les 1.333 personnes indiquant, dans l’étude IPSOS, être certaines de voter à la primaire ? Avant tout, des personnes plutôt âgées et plutôt aisées. 43% des participants à la primaire auraient 65 ans et plus, alors que cette tranche d’âge représente seulement 23% de la population française. Les adultes de 25 à 49 ans seraient sous-représentés. 40% des participants auraient des revenus nets mensuels supérieurs à 3.500€, alors que seulement 26% de la population française a de tels revenus.

Plus étonnant, ces 1.333 individus ne seraient pas, tous, proches de la droite et du centre : 55% des individus certains de participer à la primaire seraient proches des Républicains, 7% de l’UDI, 5% du MODEM… mais aussi 10% seraient proches de la gauche (PS, PC, EELV…), 10% du FN et 9% d’aucun parti. Le Monde parle, à leur propos, « d’électeurs ‘tactiques’ qui ne se reconnaissent pas dans la droite, mais entendent participer à sa primaire ». Il est vrai que la primaire permet de choisir son champion… ou l’adversaire de son champion.

Alain Juppé vainqueur de la primaire grâce aux voix de la gauche et du centre

Au 1er tour de la primaire, Alain Juppé arriverait en tête avec 44% des voix, contre 32% pour Nicolas Sarkozy. Les résultats en fonction de la préférence partisane sont plus contrastés. Nicolas Sarkozy l’emporterait chez Les Républicains (42% vs 37% pour Juppé) et chez les FN (41% vs 28%). Alain Juppé serait, en revanche, loin devant Nicolas Sarkozy chez les UDI (66% vs 10% pour Sarkozy), chez les MODEM (87% vs 3%)… et chez ceux de gauche qui participeraient à la primaire (68% vs 7%).

Dans les 12 points d’avance que compterait Alain Juppé sur Nicolas Sarkozy au 1er tour de la primaire (44% vs 32%), près de 6 points seraient imputables à des électeurs de gauche !

Ce résultat va à l’encontre de l’approche « tactique » attribuée par Le Monde aux électeurs qui participeraient à la primaire sans être de droite ou du centre. Si l’enjeu était de choisir, pour son champion, l’adversaire offrant les plus grandes faiblesses, ces électeurs de gauche voteraient Nicolas Sarkozy puisque celui-ci fait plus ou moins jeu égal avec François Hollande au 1er tour de l’élection présidentielle. En choisissant Alain Juppé, ces électeurs sont probablement au-delà de la tactique. Peut-être expriment-ils leur aspiration à une recomposition du paysage politique.

Casser le cercle vicieux pour l’un, laisser faire le cercle vertueux pour l’autre

L’analyse des résultats en fonction de la préférence partisane montre que le 1er de tour de la primaire est plus ouvert que Le Monde veut bien le laisser entendre, surtout lorsque le journal met visuellement sur le même plan les résultats des Républicains (55% de l’échantillon) avec ceux de l’UDI (7%) et ceux du MODEM (5%). Cette analyse, ainsi que la description des 1.333 individus certains de voter à la primaire, donnent plusieurs clés sur ce que pourraient être la stratégie de Nicolas Sarkozy et celle d’Alain Juppé.

Du côté de Nicolas Sarkozy, il s’agirait d’augmenter le pourcentage de Républicains qui participeront à la primaire, notamment en allant chercher des participants plus jeunes et/ou moins aisés. Il s’agirait, aussi et surtout, de casser le cercle vicieux en retrouvant, dans les sondages sur le 1er tour de la présidentielle, une marge de sécurité garantissant la qualification en finale contre Marine Le Pen.

Du côté d’Alain Juppé, il s’agirait d’améliorer le score chez Les Républicains, d’attirer davantage de centristes et de préparer les reports de voix pour le 2ème tour de la primaire. Il s’agirait, aussi et surtout, de gérer son avance, comme d’autres gèrent leur capital avec prudence, en bon père de famille, et de laisser le cercle vertueux accomplir son œuvre.

Visiblement, Alain Juppé peut compter pour cela sur Le Monde. Il ne doit pas oublier, pour autant, que les prophéties à plus d’un an de la présidentielle se sont jusqu’ici rarement réalisées, même si, avant, il n’y avait ni primaire, ni tripartisme, ni élection à quatre tours.

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