Dalil Boubakeur sur Europe 1 : un condensé de ses trucs et postures de communication. - Mediapicking
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Dalil Boubakeur sur Europe 1 : un condensé de ses trucs et postures de communication.

Dernière actualisation : 17/06/2015, 15:14

Dalil Boubakeur, Recteur de la Grande Mosquée de Paris, est en tournée d’adieu puisqu’il quitte la présidence du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM) et en tournée de promotion puisqu’il vient de publier un livre : « Lettre ouverte aux Français ». Il était l’invité de Jean-Pierre Elkabbach sur Europe 1 le 15 juin, jour de la première réunion de l’instance de dialogue avec l’islam de France et jour du voyage de travail de François Hollande en Algérie.

Plusieurs médias ont repris et commenté la proposition de Dalil Boubakeur que des églises vides soient utilisées pour le culte musulman. Je me suis, quant à moi, intéressé à l’ensemble de l’interview car ces 10 minutes offrent un condensé des postures, des travers et des trucs qui caractérisent la communication de celui qui est, depuis plus de 20 ans, la voix institutionnelle de l’islam en France.

Esquive et réponses creuses

Dalil Boubakeur est un homme rond. Il n’aime pas les réponses claires, tranchantes qui l’amèneraient à s’exposer, à se découvrir et à prendre des risques. Il pratique l’implicite et le contournement. Il esquive souvent en répondant à côté ou par des généralités.

Les réponses sont creuses lorsque Jean-Pierre Elkabbach l’interroge sur l’instance de dialogue élargie à d’autres acteurs que le CFCM (0 min 30), sur d’éventuels devoirs des Français musulmans à l’égard de la France (1 min 50) ou sur la laïcité et l’action de l’Etat dans l’organisation du culte musulman (3 min 40).

La réponse est implicite, servie avec bonhommie, mais sans appel lorsque Jean-Pierre Elkabbach lui demande si les élèves musulmans passant le baccalauréat peuvent différer le jeûne du Ramadan (9 min 15) : « pendant quelques jours, le jeûne est très tolérable, mais s’il y a une impossibilité, une maladie, une pathologie, à ce moment, qu’ils ne le fassent pas ».

La posture de la victime

Dalil Boubakeur n’est pas le seul acteur public à abuser de réponses creuses ou obliques. Il est, en revanche, l’un de ceux qui ont poussé le plus loin la posture victimaire en communication.

Dalil Boubakeur attribue au CFCM, à ses membres et aux Français musulmans le rôle de la victime passive, statique, impuissante. Ce rôle écarte tout examen introspectif. Il permet de s’exonérer de toute responsabilité et de toujours renvoyer la balle ou la faute sur d’autres.

Illustration. Dalil Boubakeur répond à Jean-Pierre Elkabbach qui cite un extrait de son livre sur les causes du djihadisme (2 min 40) : « oui, ce sont des dérives involontaires ou liées à la situation de ces jeunes ou à la situation dans l’habitat, la scolarité, la famille et la délinquance aussi qui sont les causes de cette dérive vers la violence ». A l’écouter, certains courants de l’islam et les jeunes qui choisissent le djihad n’auraient aucune responsabilité dans le djihadisme.

Des demandes, mais ni tort, ni responsabilité

Grâce à cette posture victimaire, Dalil Boubakeur n’a rien à se reprocher, ni à reprocher aux Musulmans. Il peut donc adresser ses demandes aux non-Musulmans. Ainsi, lorsque Jean-Pierre Elkabbach indique qu’il y aura 45 millions de Musulmans en Europe dans 20 ans, Dalil Boubakeur renvoie la balle à l’Europe et à ceux qui ne sont pas musulmans (3 min 10) : « C’est un problème politique n°1 pour l’Europe de savoir nous accueillir et de traiter comme il faut les millions de Musulmans qui vont être une partie importante de l’Europe ».

Dans la même veine, il veut une double formation, musulmane et française, pour les imams de France (5 min 40). Mais il n’y est pour rien si cela ne marche pas. Ici, il s’empresse de jeter la faute sur les universités françaises qui refuseraient d’accueillir les imams et seraient donc responsables de leurs carences – ce qui lui évite aussi de parler du volet musulman de cette double formation.

Et lorsqu’il est acculé par Jean-Pierre Elkabbach qui le relance et lui demande de dire qui est le « on » dans la phrase : « on a laissé faire en France » (7 min 30), il dilue tellement les responsabilités que tout le monde est responsable et que personne n’est véritablement responsable.

Plusieurs contradictions

Dans cette posture victimaire, Dalil Boubakeur n’est pas à une contradiction près.

Lorsque Jean-Pierre Elkabbach lui demande qui doit financer les imams et les mosquées en France (6 min 30), Dalil Boubakeur répond : « les fidèles et puis les pays arabes qui ont des milliards à ne plus savoir qu’en faire ; ils peuvent donner une petite aide à leurs frères musulmans d’Europe ». Et lorsque Jean-Pierre Elkabbach poursuit et l’interroge sur le danger de l’islam politique, Dalil Boubakeur demande « qu’on n’introduise pas en Europe le salafisme, le wahhabisme et toutes ces doctrines » (7 min). En résumé, Dalil Boubakeur demande à l’Arabie Saoudite de financer en France un islam qui s’oppose à l’islam de l’Arabie Saoudite. Cherchez l’erreur.

Tolérance et bienveillance à sens unique

Enfin, s’il veut un islam de France qui soit « un islam de tolérance, de liberté et du vivre-ensemble » (8 min 40), Dalil Boubakeur présente une vision à sens unique de la tolérance et de la bienveillance.

Il indique, en effet, que l’islam de France n’a aucune tolérance pour les élèves musulmans à qui il demande (implicitement) de faire le jeûne du Ramadan pendant les épreuves du baccalauréat. Et il termine l’interview en demandant aux chefs d’entreprise d’être bienveillants pendant le Ramadan : « 18 heures par jour de jeûne, de 3h du matin à 22h, ça nécessite quelques bienveillances » (9 min 30).

Derrière le message humaniste d’attention portée à l’Autre (le Musulman), il y a l’idée d’adapter le travail et la vie de l’entreprise à la pratique de l’islam, comme si cette pratique passait avant les obligations du salarié. Pas simple pour le salarié comme pour l’employeur ! Et difficile, avec une telle approche, de construire « l’islam tranquille, apaisé », dont Dalil Boubakeur fait la promotion. Encore une contradiction.

Sortie de scène

Au final, on peut regretter que Jean-Pierre Elkabbach ait laissé filer plusieurs propos sans relancer, sans demander des précisions, sans pointer les contradictions. Mais peut-être Jean-Pierre Elkabbach a-t-il considéré que cette interview était une sortie de scène, qu’un nouveau président prendrait la tête du CFCM le 1er juillet 2015 et qu’il était préférable de construire l’islam de France sans Dalil Boubakeur, sa bonhommie, sa posture de victime et ses contradictions.

Vivement la suite !

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