Incorrigible, François Hollande est décidément incorrigible. Il en donne une preuve éclatante dans « Un président ne devrait pas dire ça ». Ses propos utilisés pour la promotion du livre sont déjà longuement commentés et critiqués. Il ne s’agit pas, ici, de contribuer à leur analyse, mais d’examiner ce que disent le livre et sa sortie sur la communication de François Hollande.
Parler sans se soucier des précédents
La première chose est un penchant pour la récidive, en d’autres termes, une incapacité à tirer les leçons de ses propres erreurs. François Hollande aurait pu être échaudé par le film d’Yves Jeuland, « A l’Elysée, un temps de président », qui fut diffusé en septembre 2015. Il avait accepté, pour ce film, d’être suivi par une caméra pendant six mois, sans aucun droit de regard. Il entendait y dévoiler sa personnalité, il s’y faisait voler la vedette par son conseiller en communication. Les critiques furent nombreuses. François Hollande aurait, lui, jugé le film « sans aucun intérêt ». Mais sans mettre un terme à ses confidences aux journalistes, qui relèvent pourtant de la même démarche de transparence ou de narcissisme.
Parler sans y voir vulnérabilité
Ensuite, une méconnaissance de la communication de crise, alors qu’il enchaine les records d’impopularité et de défiance dans les sondages. En amont de toute communication de crise, il y a une analyse des vulnérabilités car la meilleure stratégie est d’une utilité limitée si, pendant que l’on travaille à redresser la barre, on se fait plomber par des failles non identifiées, donc non traitées. François Hollande s’est engagé dans une stratégie pour 2017, sans avoir analysé les vulnérabilités pouvant le plomber davantage. Ou peut-être a-t-il jugé qu’il n’en avait pas. Une analyse lucide aurait pourtant dû l’amener à cesser ses bavardages depuis longtemps.
A la fois Président, porte-parole et dircom
En troisième lieu, une gestion solitaire de sa communication, même s’il est entouré de conseillers, de ministres et de visiteurs du soir. Il est à la fois président, porte-parole et directeur de sa communication. Même si lui ne l’a pas fait, ses proches ont certainement tiré les leçons de ses erreurs ou analysé ses vulnérabilités.
Depuis l’affaire du déjeuner Fillon-Jouyet en novembre 2014, il est de notoriété publique que Gérard Davet, Fabrice Lhomme et François Hollande sont, tous trois, embarqués dans un projet de livre. Il aurait fallu que ses proches lui demandent d’arrêter ces tête-à-tête, même si un ministre ou un conseiller ne devrait pas dire ça à un président. De toute façon, si certains l’ont dit, ce fut sans effet. François Hollande n’en fait qu’à sa tête en communication, même s’il n’y comprend pas grand-chose.
Regarder ailleurs quand la bombe explose
Enfin, de la légèreté et de la désinvolture. François Hollande sait que la sortie du livre est imminente. Il a vu l’impact politique et médiatique des précédents livres où il distille ses confidences, à commencer par « Le stage est fini » de Françoise Fressoz en septembre 2015. Au regard du volume d’entretiens qu’il leur a accordés, il peut anticiper que le livre des deux journalistes du Monde aura un impact démultiplié. Une bombe se balade dans la nature et va bientôt exploser, mais lui semble ne pas s’en soucier.
La sortie du livre n’est ni anticipée, ni préparée. Alors que François Hollande a tant donné pour ce livre, il semble même ignorer la date de son lancement. L’Elysée, le gouvernement et les soutiens du Président sont pris de court. Ce jour-là, ils regardent ailleurs, du côté de L’Obs qui publie une longue interview de François Hollande intitulée « Je suis prêt » et dont chaque phrase fut ciselée. Ils sont sidérés, livrés à eux-mêmes, sans élément de langage. Le télescopage entre le livre et l’interview accentue l’impression d’amateurisme.
Quand les vies parallèles se télescopent
François Hollande n’a pas de circonstance atténuante. Certains, dont son ami Serge Raffy dans L’Obs, parlent d’un « hara-kiri politique », comparable à l’affaire du Sofitel pour DSK en 2011. Alors, ce livre est-il le Sofitel de François Hollande ?
De toute évidence, les actes ne sont pas de même nature. Un parallèle peut néanmoins être fait dans la façon d’articuler vie publique et vie privée ou, plutôt, vie officielle et vie cachée. Tant DSK que François Hollande se sont ménagés des vies parallèles à leurs vies officielles : une vie de libertin pour l’un, une vie de rencontres avec des journalistes pour l’autre. Ils ont consacré, tous deux, un temps significatif à ces vies cachées. Ils ont peut-être cru, l’un et l’autre, que leur vie cachée ne croiserait jamais leur vie officielle. Surtout, ils n’ont pas compris, l’un et l’autre, que toute communication a un besoin essentiel de cohérence, que notre société du spectacle et des médias tend à tout dévoiler et que toute dissonance suite à la révélation d’une vie cachée pose un gros problème de communication.
Dissonances entre parole publique et confidences
Des dissonances, il y en a visiblement un certain nombre dans « Un président ne devrait pas dire ça ». Plusieurs des propos montés en épingle relèvent de l’échange à bâtons rompus, sans filtre, ni précaution oratoire, des propos de dîner, de comptoir ou de machine à café.
Ce qui pose problème, ce sont souvent deux choses : ce qui est dit, mais aussi et surtout l’écart, la dissonance entre ces propos et la parole publique du Président. François Hollande aurait très bien pu porter publiquement certaines opinions ou analyses qu’il exprime dans le livre, et modifier en conséquence ses politiques. Au lieu de cela, il a confié ou confessé ses vérités à deux journalistes. Maintenant que celles-ci sont publiées, il explose un nouveau plancher dans la démonétisation de sa parole officielle.
Apprendre des couacs
A date, ce livre est donc le couac suprême, le couronnement de toute une œuvre de couacs, commencée dès les premiers jours de ce quinquennat. Il vient après tant de couacs dans tant de domaines : décalages entre les paroles et les actes, décalages entre l’homme, son image et la fonction présidentielle, positions divergentes entre lui et ses proches, erreurs d’analyse, puis de communication, opposition entre vie publique et vie privée, gestion maladroite des images et des symboles…
Chaque couac est un exemple à ne pas suivre. Si l’impression générale est celle d’un gigantesque loupé, il y a, en fait, beaucoup à apprendre de toute la communication de François Hollande à l’Elysée car, au même titre que les confessions aux journalistes, les couacs forment un fil rouge précieux pour analyser ce quinquennat.
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