Paris frappé par plusieurs attaques terroristes d’une ampleur sans précédent. François Hollande s’est adressé à deux reprises à la Nation depuis l’Elysée, dans le même format court qu’il avait utilisé les 7 et 9 janvier 2015. La première fois, c’était la nuit, il avait été exfiltré du Stade de France, il s’apprêtait à tenir un Conseil des Ministres et à décréter l’état d’urgence, l’assaut était lancé contre le Bataclan. La deuxième fois, c’était le 14 novembre au matin, à l’issue d’un Conseil de Défense.
Les attaques multiples, kamikazes et aveugles du 13 novembre 2015 sont inédites dans l’histoire de France. L’allocution du 14 novembre marque, elle, un tournant dans le discours de François Hollande. Elle est différente de l’allocution de la nuit, des allocutions de janvier et du discours d’août, lorsque les héros du Thalys avaient été décorés à l’Elysée. François Hollande a, enfin, mis un terme à plusieurs non-dits qui pesaient sur sa parole et, probablement, sur ses actes.
Sortir des non-dits : la France en guerre sur son sol contre Daech
L’allocution du 14 novembre est l’allocution d’un chef de guerre. Son mot-clé est « acte de guerre ». Il est martelé quatre fois. La première phrase donne le ton : « Ce qui s’est produit hier à Paris et à Saint-Denis près du Stade de France est un acte de guerre et face à la guerre, le pays doit prendre les décisions appropriées ». François Hollande semble s’être enfin décidé à dire aux Français que la France était en guerre sur son propre territoire. Jusqu’ici, il parlait uniquement de terrorisme.
François Hollande sort aussi d’un non-dit quand il identifie l’ennemi : « C’est un acte de guerre qui a été commis par une armée terroriste, Daech, une armée djihadiste, contre la France ».
L’évolution est majeure. Quelques heures auparavant, dans son allocution de la nuit, François Hollande pratiquait encore l’ellipse : « nous savons d’où vient [cette épreuve], qui sont ces criminels, qui sont ces terroristes ». En janvier, il parlait uniquement de terroristes sans nommer leur mouvement, ni leur idéologie, comme si le terrorisme était une fin en soi. Le 9 janvier, il semblait surtout soucieux de dissocier les terroristes des Musulmans : « ceux qui ont commis ces actes, ces terroristes, ces illuminés, ces fanatiques, n'ont rien à voir avec la religion musulmane ». En août, il avait uniquement qualifié de « forcené » l’individu qui avait voulu commettre un carnage dans le Thalys.
Donner confiance aux Français
L’allocution du 14 novembre est sobre et martiale. François Hollande sait que le bilan humain est provisoire, que le sort de tous les terroristes est encore incertain et qu’il sera certainement amené à s’adresser à nouveau à la Nation dans les prochains jours. Il a déjà annoncé, pendant la nuit, l’état d’urgence et la fermeture des frontières. C’est Manuel Valls qui annoncera plus tard la minute de silence. Les seules annonces sont donc un deuil national de trois jours et un discours devant le Parlement.
D’une certaine façon, peu importe. François Hollande veut, avant tout, donner confiance aux Français, leur montrer que l’Etat a un chef et leur fixer une perspective : la victoire, même si d’autres attaques frappent la France. Le 14 novembre, les phrases sont percutantes : « La France parce qu’elle a été agressée lâchement, honteusement, violemment, la France sera impitoyable à l’égard des barbares de Daech ».
Finies les phrases longues et alambiquées de janvier sur la grandeur de la France. Finies les envolées morales d’août sur le bien et le mal. Disparues l’émotion et la fébrilité de la veille lorsque François Hollande avait le souffle court, semblait désemparé, exhortait la Nation à être forte et donnait l’impression d’être le destinataire de son propre message.
Après le deuil, plusieurs questions
Au final, l’allocution du 14 novembre a réussi deux choses. Elle a installé la nouvelle vision de François Hollande sur les attaques terroristes : des actes de guerre menés par Daech au nom du djihadisme. Elle s’est substituée à l’allocution de la nuit et a rattrapé la sensation de panique qui transpirait de cette allocution, notamment lorsque François Hollande a déclaré : « il y a effectivement de quoi avoir peur ».
Il reste maintenant à déterminer si la nouvelle vision de François Hollande est exacte : « un acte de guerre qui a été préparé, organisé, planifié de l’extérieur, et avec des complicités intérieures que l’enquête permettra d’établir ». Qui sont ceux qui ont commis les attaques du 13 novembre ? Des soldats étrangers d’un Etat à qui la France a déclaré la guerre ? Ou des soldats français en guerre contre leur propre pays ? Si les meurtres ont été commis par des Français, alors François Hollande devra à nouveau ajuster sa vision pour être efficace dans la lutte contre le terrorisme islamiste.
Face à des attaques inédites, mais hélas prévisibles, il restera, une fois le deuil passé, à évaluer les politiques publiques décidées suite aux attentats de janvier 2015 et visant à lutter contre le terrorisme et l’islamisme. Quelles sont les actions effectivement menées ? Quels ont été leurs résultats ? Aurait-il fallu en faire plus ou faire autre chose ? Et surtout, quoi faire maintenant, en France et à l’étranger, pour prévenir d’autres attaques ? En d’autres termes, François Hollande et Manuel Valls ont-ils pris les bonnes décisions depuis janvier 2015 et est-il possible de leur faire confiance pour la suite en matière de sécurité ?
Aujourd’hui, priorité aux disparus, aux blessés et à leurs familles et hommage aux forces de l’ordre et aux personnels de santé.
Commentaires (0)