Anne Hidalgo, Maire de Paris, a publié, dans l’édition du 28 mai 2015 de Politico, une tribune au titre énigmatique « Parisian Castles in the Air », explicité par une phrase en chapeau : « The French capital has become a testing ground for new technologies ».
Tiens ! Anne Hidalgo s’adresse aux lecteurs de Politico – schématiquement des élus et des leaders d’opinion à Bruxelles et à travers l’Europe – pour leur parler des innovations qu’elle mène à Paris. J’ai donc lu avec curiosité. J’ai surtout trouvé du blabla, des déclarations d’intention et un compte-rendu de mandature en anglais sans message de portée européenne. Pourquoi, alors, s’arrêter sur ce texte ? Parce qu’il dit des choses sur la façon dont Anne Hidalgo voit Paris et l’action publique.
Nombrilisme et arrogance
Au-delà d’un titre pouvant paraître prétentieux, la tribune d’Anne Hidalgo est entachée du nombrilisme et de l’arrogance de Paris. Elle oublie qu’elle s’adresse à des lecteurs étrangers.
Nombrilisme : il n’y est question que de Paris, comme si d’autres grandes capitales européennes n’étaient pas confrontées aux mêmes défis. Exemple : « Paris faces major challenges when it comes to energy, waste treatment, revegetation, provisioning, mobility, and logistics ».
Arrogance : Paris est présenté, dans cette tribune comme une ville jouant un rôle-clé en Europe et dans le monde, comme l’inventeur et le modèle qui a inspiré de nombreuses villes. Exemple : « In its innovative approach to urban design, Paris has inspired cities around the word ».
Paris n’est pas l’agglomération parisienne
La tribune d’Anne Hidalgo parle de Paris à des lecteurs de Politico qui ont l’habitude de raisonner à l’échelle d’une agglomération ou d’une région, par exemple la région Bruxelles-Capitale. Pour autant, elle se garde bien de mentionner le Grand Paris, les départements limitrophes et la région Ile-de-France, comme si Paris vivait en apesanteur – un château dans le ciel – sans lien avec son environnement immédiat.
Anne Hidalgo écrit : « we will introduce even more collective, clean transport alternatives in order to reduce individual car ownership ». Mais comment entend-elle agir sur la voiture et les transports collectifs en faisant l’impasse sur les territoires qui entourent Paris ?
Certes, les découpages administratifs sont ennuyeux et difficiles à expliquer, mais pourquoi confondre Paris et l’agglomération parisienne quand on s’adresse à des lecteurs étrangers ? Le visuel choisi par Politico pour illustrer la tribune d’Anne Hidalgo reflète cette confusion : les tours de la Défense… qui sont situées dans les Hauts-de-Seine, mais que le journal attribue par erreur à Paris.
Action publique ou name dropping ?
La tribune d’Anne Hidalgo coche toutes les cases à la mode en matière d’action publique : par ordre d’apparition dans le texte, économie circulaire, ville smart et durable, circuits courts, économie du partage, incubateurs de start-ups et démocratie participative. Qui trop embrasse, mal étreint et le « name dropping » ne fait pas une politique et, encore moins, une stratégie.
D’un côté, la tribune couvre un champ très large, sans hiérarchisation des messages et des priorités (l’agriculture urbaine est-elle une priorité à Paris ?). Elle enfile les sujets les uns après les autres avec pour seul objectif de parer Paris des attributs à la mode de la modernité. De l’autre côté, elle fait l’impasse à la fois sur les constats de forces et faiblesses (et oui, Paris a des faiblesses !) et sur la vision, l’ambition et les objectifs qui devraient fonder et guider, ensemble, l’action publique.
Immobilier et démocratie participative : c’est court !
J’en viens à l’innovation et aux nouvelles technologies qui sont supposées être l’objet de cette tribune, du moins, si l’on se réfère au chapeau.
Le texte commence par présenter Paris comme « the city of perpetual renewal » et « an open-air laboratory, connected and flexible » (où est le Wi-Fi dans l’espace public parisien ?). Il brasse de nombreux sujets, mais dit très peu de choses sur ce que fait concrètement Paris en matière d’innovation et de nouvelles technologies. Par exemple, on n’y trouve rien sur l’usage des nouvelles technologies au service des citoyens, dans l’éducation, les utilities, l’urbanisme ou la mobilité.
Au final, qu’est-ce qu’innover quand on est maire de Paris ? La tribune d’Anne Hidalgo fait ressortir deux réponses : d’une part, faire de l’immobilier en mettant des mètres carrés à disposition des start-ups ; d’autre part, faire décider les Parisiens sur Paris, au risque de saper la légitimité des personnes élues à cet effet. C’est court. C’est sans vision. Peut mieux faire.
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