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Accidents de la route. La "fourberie chinoise" revisitée par Slate

Dernière actualisation : 29/10/2015, 15:10

Le site Slate.fr a colporté une rumeur selon laquelle les automobilistes chinois achevaient les blessés en cas d'accident de la route, l'amende pour meurtre étant plus économique que la rente à vie à verser à un handicapé.

Dans l'entre-deux guerres, l'écrivain Arthur Koestler a passé quelques années à Paris, comme correspondant d'une grande agence de presse allemande. Dans ses mémoires (publiées aux Editions Bouquin) il raconte comment, dans les périodes où l'actualité manquait de talent, il mettait  le sien au service de la cause mêlée de l'information et du divertissement, en inventant des nouvelles de genre : ce matin, à la sortie de Villedieu-les-Poële, un camion de beurre a percuté un camion d'œufs. L'incendie issu de la collision a provoqué une gigantesque omelette. Les pompiers ont procédé à une  distribution aux nécessiteux de la commune, etc.

L'idée qu'Internet allait rendre impossible ces joyeuses inepties (ou d'autres hélas moins joyeuses) était une illusion qui a été balayée par dix ans à peine de "village global". Le site Slate.fr vient d'en donner une curieuse illustration, dans un article intitulé "Pourquoi tant d'automobilistes chinois s'acharnent-ils à tuer les piétons qu'ils percutent?". Il s'agit d'une traduction d'un article en anglais publié sur le Slate américain "Driven to kill. Why drivers in China intentionally kill the pedestrians they hit".

Ces deux articles ont été repris par plusieurs medias, dont Le Figaro en France. Ils ont été partagés sur Facebook plus de 122.000 fois pour la version US et plus de 6.700 fois pour la version française.

L'assassinat à la portée de toutes les bourses

Le lecteur attristé y apprend qu'en Chine, les automobilistes qui renversent accidentellement un piéton font marche arrière pour lui rouler à nouveau dessus, de sorte que l'accidenté décède, sauf complication. Vieillard, femme, enfant, personne n'est à l'abri. Le Chinois passe et repasse jusqu'à ce que mort s'ensuive.

Pas par cruauté, mais par pragmatisme. Le système national est ainsi fait qu'une rente à vie à verser à un handicapé peut vous ruiner, alors que tuer entrainer une amende raisonnable de quelques milliers d'euros. Des images de vidéo-surveillance accompagnent l'article.

Dès sa publication aux Etats-Unis, ce papier a suscité des commentaires incrédules et plein de bon sens. Les liens vers les vidéos sont cassés, soulignaient les uns. Quand ils fonctionnent, les scènes filmées sont difficiles à interpréter, ajoutaient les autres, d'autant plus que les commentaires en chinois ne sont pas sous-titrés.

La Chine est un pays tellement immense qu'il s'y trouvera forcément un automobiliste pour achever un blessé, faisait valoir un troisième internaute. La croyance qu'il est plus économique de tuer que de blesser a cours dans de nombreux pays, relevait le quatrième, citant deux pays pourtant réputés pour leur civisme, Taiwan et le Canada. D'autres témoignages attestent la rumeur au Cambodge, en Thaïlande, en Malaisie, etc.

Un fait divers gonflé aux dimensions d'une vérité nationale

Vérification faite auprès de sources chinoises, il apparait qu'un fait divers déprimant a effectivement été rapporté par les médias chinois. Un automobiliste a achevé un blessé. Il a été filmé. La famille du défunt a réussi à le retrouver. Le coupable a assumé son choix, invoquant la rationalité économique. Il a été poursuivi et sévèrement condamné. Le droit pénal réprime plus durement l'homicide intentionnel que l'homicide involontaire. C'est une règle de base, sans exception chinoise.

Les médias nationaux ont ensuite relevé quelques autres cas, qui ont évidemment horrifié l'opinion publique. En résumé, trois ou quatre chauffards ont pris, sous le coup de l'affolement, une décision inqualifiable. Dans un échantillon de population représentant un cinquième de l'humanité, c'est le contraire qui serait étonnant.

Extrapoler à un système, à une mentalité et à des institutions, comme l'a fait Slate, relève d'une forme de racisme désinvolte qui se fait rare. Les rédacteurs du site auraient-il transformé en vérité sociologique le même fait divers survenu au Sénégal ou en Algérie? Il est permis d'en douter. L'intimidante culture chinoise, à l'évidence, reste un gros trou dans la raquette du politiquement correct, aux Etats-Unis comme en France.

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