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Cambadélis: Trois mauvais messages qui assèchent nos forces contre le FN

Dernière actualisation : 24/10/2017, 14:59
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La position du premier secrétaire du Parti Socialiste entre les deux tours des élections régionales de 2015 a été on ne peut plus claire. On ne peut pas faire de procès en frontisme à Jean-Christophe Cambadélis qui est depuis très longtemps, engagé dans lutte contre les idées d’extrême droite et contre le Front National. Malgré un sincère et remarquable engagement, il reste que le patron du parti à la rose commet trois erreurs majeures dans cet urgent combat.

Cambadélis sous estime l’ampleur de l’adhésion au Front National

Nous savons que sur plusieurs thèmes, les responsables politiques sont tentés de minimiser la gravité d’une situation. Ils souhaitent éviter par là de remettre à plat des stratégies et des grilles de lectures bâties durant leur vie de travail. Ce phénomène s’observe sur la lutte contre l’islamisme, et aussi dans la lutte contre le Front National. Le premier secrétaire du parti socialiste nous a fourni une bonne illustration de ce déni de réalité en novembre 2015 au micro de BFMTV :

"Le Front national «est surcoté et ne gagnera aucune région» aux élections, a estimé lundi soir le premier secrétaire du PS Jean-Christophe Cambadélis, pour qui «la bataille se joue entre le PS et Les Républicains»."

Notons bien que si sa prédiction d’est avérée juste, la région où le FN avait la plus forte probabilité de l'emporter, fut bien le Grand Est, précisément là où un membre du Parti Socialiste ne voulait pas prendre la mesure du risque FN.

Ce déni de la réalité du vote FN, déni à la longue la voix de celles et ceux qui votent FN. En persistant dans la sous-estimation du phénomène, ce sont tous les électeurs et soutiens de Marine Le Pen que le Parti Socialiste sous estime. A chacun, l’un après l’autre, le PS adresse un message de dédain : « Même pas cap’ ». Jour après jour, ce déni ne fait qu’accroître l’animosité et l’aigreur, et in fine, accrédite la thèse fallacieuse selon laquelle il n’y a qu’au FN que la voix de chacun peut être entendue.

Cambadélis insulte les pauvres

Le plus triste est que, sans aucun doute, le premier secrétaire du Parti Socialiste veut bien faire. Mais pourtant, à la suite des élections, M. Cambadélis a commis une bourde insultante pour une grande partie de la population. Le 14 décembre 2015 sur Europe 1, puis dans une dépêche AFP, il proposait :

«Si nous le faisons, c’est-à-dire (mettre en place, ndlr) la sécurité sociale professionnelle, un apprentissage plus développé et des choses aussi simples que le haut débit et le numérique partout en France, bref si nous travaillons vraiment sur la précarité, je pense que nous asséchons l’abstention et par ailleurs le vote Front national»

La première erreur de cette déclaration sonne comme une insulte aux oreilles de ceux qui traversent la précarité sans voter ou adhérer aux idées du Front National : et ils sont nombreux. Car si l’on observe une corrélation statistique de la précarité avec le vote Front National, on ne peut en aucun cas en déduire un lien de cause à effet.

Des contre exemples existent : le nombre de chômeurs et de travailleurs précaires que l’on retrouve régulièrement dans les protestations anti Front National, ou encore vote Front National des classes plutôt aisées de la population.

Mais non, c’est trop tard, l’erreur est commise, et le premier secrétaire du parti socialiste désigne les pauvres comme la source du problème Front National : supprimons les pauvres - en leur donnant de l’argent publique propose-t-il - et nous supprimerons le Front National. Déjà que rien ne permet d’être certain qu’une telle manœuvre atteigne son but, cette déclaration désigne les pauvres comme les premiers porteurs et responsables de la montée du Front National.

Cambadélis perpétue le mensonge volontariste des politiques sur le terrain économique

Combien de déclarations de cet acabit les citoyens Français ont-ils entendues ? « J’irais chercher la croissance avec les dents », « Je vais remettre la France au travail », « Ma priorité c’est le chômage et la précarité » etc.

Pourtant, les hommes politiques ne peuvent pas influer sur tous les facteurs qui font avancer ou reculer l’activité économique d’un pays. La France n’est pas isolée sous une cloche, les acteurs économiques français sont libres de créer ou de ne pas créer, d’inventer ou de ne pas inventer, de réussir ou d’échouer. Si des grandes décisions régulent l’économie et ont un effet – le loyer de l’argent, les charges, les mécanismes de redistribution et d’incitations, la fiscalité etc. – elles ne font pas tout. Prétendre l’inverse est un mensonge dangereux.

Car si vraiment les hommes politiques pouvaient faire avancer l’économie : pourquoi ne l’auraient-ils pas fait jusqu’à présent ? Les français doivent ils comprendre que deux générations de responsables politiques se fichaient de la précarité et des difficultés économiques ? A trop tenir ce type de propos volontaristes, les hommes politiques affaiblissent l’impact de leur propre parole, et poussent les citoyens vers la suspicion, ou pire, le complotisme.

Hommes politiques : changez donc de logiciel!

Nous sommes un peu ennuyés que le premier secrétaire du Parti Socialiste ait ainsi servi d’exemple démonstratif d’erreurs commises par lui, mais aussi par de nombreux autres responsables politiques, dans la lutte contre le Front National. Il occupe néanmoins une position qui le place au premier rang des artisans de la réponse et du sursaut démocratique tellement attendu. Lui, comme d’autres, pourraient se reporter aux enseignements de philosophie politique Blandine Kriegel qui confiait récemment dans une interview à Toute La Culture intitulée "A l'instar du Sénateur Palpatine, le FN usurpe le discours de la République", à l'occasion du colloque Star Wars et Démocratie:

"La menace despotique vient de loin, elle vient de l’absurde prépondérance donnée aux questions économiques et sociales au détriment de la connaissance et de la compréhension collective de ce qu’est la politique et ce qu’est véritablement la république."

Voilà quelque peu de sagesse qui, en décentrant le débat politique, atteint directement le cœur du moteur à voix du Front National.

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