Ce qu'il y a de dérangeant dans la déclaration de François Hollande et dans de nombreux commentaires qui ont suivi. - Mediapicking
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Ce qu'il y a de dérangeant dans la déclaration de François Hollande et dans de nombreux commentaires qui ont suivi.

Dernière actualisation : 25/10/2017, 12:23

François Hollande n’est pas candidat. On fait son bilan, on pointe ses échecs, mais on ne tire pas sur l’ambulance. Telle est la tonalité de nombreux médias suite à l’annonce-surprise du 1er décembre. Ils saluent sa décision, son discours, sa dignité, sa lucidité et son courage. Ils rouvrent les débats sur la charge présidentielle et sur son incarnation dans un pays à la fois royaliste, régicide et républicain.

Certains ont même l’impression d’avoir retrouvé un François Hollande qu’ils avaient perdu de vue. Un article du Monde intitulé « Ces mots enfin trouvés et qui ont tant fait défaut lors de ce quinquennat » se termine ainsi : « sans doute était-ce là son meilleur discours depuis son élection ».

Les Echos se sont livrés à une revue de presse et titrent : « Renoncement de Hollande : la presse met en avant le courage de la décision ». Mais était-ce vraiment un renoncement ? Au-delà du caractère inédit de l’annonce, pourquoi la déclaration de François Hollande a-t-elle frappé les esprits ? Et pourquoi me suis-je senti en net décalage avec tous ceux qui ont parlé de dignité, de lucidité et de courage ?

Quand on parle d’un renoncement…

François Hollande « [décide] de ne pas être candidat à l’élection présidentielle, au renouvellement donc de [son] mandat ». Quel nom donner à l’acte de ne pas être candidat ? Un verbe et un mot ont vite émergé : renoncer et renoncement, notamment avec le hashtag #Hollanderenonce sur Twitter.

Nommer, c’est souvent cadrer une réalité et installer une vision. Le verbe « renoncer » est loin d’être neutre. Il s’utilise à la voie active (je renonce) et évoque l’idée d’un sacrifice au nom de quelque chose de supérieur (je renonce à la crème brûlée… chacun devine pourquoi). Il dit, surtout, que l’on se désiste d’un droit, que l’on abandonne une possibilité, bref que l’on est libre et que l’on est maître de son destin.

François Hollande n’a pas renoncé, il a été empêché.

Dans le cas de François Hollande, « renoncer » est-il le mot le plus approprié ? Pas vraiment ! Jusqu’à récemment, François Hollande voulait être candidat à un second mandat. Il s’y préparait quasiment depuis mai 2012. Il se relançait avec de grands discours sur « la gauche et le pouvoir » (mai 2016) ou sur « la démocratie face au terrorisme » (septembre 2016). Il voyait en la primaire du PS un tremplin lui permettant de prendre son élan pour avril 2017. En octobre 2016, il clamait même en une de L’Obs : « je suis prêt ».

Ne nous aveuglons pas ! Ne pas être candidat n’était pas le premier choix de François Hollande. Le Président a été bloqué sur la rampe de lancement qui devait le mettre sur orbite. Il a été empêché par les pressions conjointes de Manuel Valls et des sondages. Face à la perspective d’une élimination à la primaire de janvier, il a choisi une voie inédite : se débrancher six mois avant la fin de son mandat. Il s’agit d’un empêchement et non pas d’un renoncement. Mais « empêcher » oblige à utiliser la voie passive (je suis empêché) et à reconnaître que l’on n’est plus maître de son destin. Trop dur !

Une déclaration que personne n’a vu venir.

François Hollande a réussi son effet de surprise en usant de quelques fausses pistes. Fin novembre, son agenda est allégé ostensiblement afin de libérer plusieurs créneaux pour l’annonce éventuelle d’une candidature. Après le défi lancé par Manuel Valls dans Le JDD, ses collaborateurs communiquent sur un déjeuner « cordial et studieux » avec un Premier Ministre loyal et qui serait rentré dans le rang.

Dans le même temps, ses proches évoquent une candidature directe, sans primaire... et confortent de facto l’idée de sa candidature. Le 1er décembre, François Hollande ne change rien à son agenda qui se termine par une remise de décorations à l’Elysée. Puis tombe, à 19h15, l’annonce que personne n’attendait, d’une déclaration à 20 heures. La surprise crée le désir. 14,2 millions de Français sont au rendez-vous. Ils seront tenus en haleine pendant près de 10 minutes.

Après la surprise, le suspense.

Cette déclaration restera comme un moment de très forte tension télévisuelle. Dès les premières secondes, le message est facile à décoder : un homme seul sur un fond bleu terne, une voix blanche, presque chevrotante, comme au bord des larmes, un corps en déséquilibre… François Hollande n’y va pas, il ne sera pas candidat. Mais ce serait trop court et sans dramaturgie.

Alors, François Hollande trompe son monde. Sa première phrase donne l’impression qu’il va, pour une fois, aller droit au but et parler clair : « je m’adresse à vous ce soir pour vous faire connaître la décision que j’ai prise, dans la perspective de la prochaine élection présidentielle ». Il n’en fera rien. Ce jour-là, François Hollande a le sens du suspense. Il se lance dans un discours montrant qu’il a réussi son quinquennat, un discours qui ressemble fort à un discours de candidature car s’il a réussi pendant ces cinq dernières années, il est légitime qu’il veuille rempiler pour les cinq prochaines.

Une tension difficile à regarder.

Le décalage entre les mots et le personnage qui porte ces mots est énorme. Il devient vite insupportable à regarder. François Hollande est dépassé par ses émotions, il semble exténué, comme au bord de l’épuisement. Il a le souffle court et le teint blafard, comme lors de sa première déclaration suite aux attentats dans la nuit du 13 novembre 2015.

A supposer qu’on lui fasse crédit sur son bilan, le Président qui s’adresse ainsi aux Français est-il en état physique et mental de mener une campagne électorale ? A-t-on déjà vu quelqu’un annoncer sa candidature en se montrant aussi faible et aussi peu combatif ?

On commence même à avoir peur pour lui, mais François Hollande, lui, déroule son bilan : « j’ai fait avancer les libertés », « les résultats arrivent plus tard […], mais ils sont là », « nous avons tenu bon et j’ai pris les mesures qui étaient nécessaires », « voilà ce que j’ai fait, voilà ce que j’assume devant vous »

Jusqu’au bout, les deux options sont ouvertes.

Des respirations dans son discours donnent, à deux reprises, l’impression qu’il va enfin annoncer sa décision. Ce sont des fausses pistes. Il évoque « l’intérêt supérieur du pays », puis sa façon d’être président : sincérité, honnêteté, humilité et lucidité.

A ce moment du discours, après déjà de longues minutes, il peut toujours basculer dans un sens ou dans l’autre : être candidat ou ne pas être candidat. D’un coup, il dénoue le suspense : « aujourd’hui, je suis conscient des risques que ferait courir une démarche, la mienne, qui ne rassemblerait pas largement autour d’elle. Aussi, j’ai décidé de ne pas être candidat à l’élection présidentielle, au renouvellement donc de mon mandat ». On se sent soulagé, on se sent mieux pour lui, on ne verra pas un spectre faire campagne.

Narcissisme du bilan et de l’explication

François Hollande a pris une décision inédite dans la Vème République et a su redevenir audible des Français pendant dix minutes. Y a-t-il matière, pour autant, à saluer sa dignité, sa lucidité et son courage ?

Commençons par la dignité. Son discours est uniquement centré sur sa personne et sur ses succès. « Je » est partout. La quasi-totalité des phrases sont écrites à la première personne du singulier. François Hollande est dans l’autopromotion et c’en est vite indécent. Après s’être confessé en privé à des journalistes, le Président ferait-il une crise de narcissisme en direct à la télévision ?

François Hollande justifie sa non-candidature par une seule raison : « être conscient des risques » que poserait sa propre candidature. De quels risques parle-t-il ? Et surtout, qui court les risques ? Lui, son camp ou les Français ? Difficile de voir de la dignité dans son refus de faire courir un risque à sa personne.

Difficile, aussi, d’adhérer à son explication car celle-ci n’explique rien et, en cela, est indigne. Il n’y a, en effet, rien de nouveau sous le soleil des sondages : quel que soit le candidat et quelles que soient les hypothèses, la gauche ne passerait pas, depuis longtemps, le premier tour dans les intentions de vote à la présidentielle. François Hollande est le premier responsable de cette situation. A date, coincé entre Mélenchon et Macron, le futur candidat du PS n’a pas davantage de chances de passer le premier tour que n’en avait François Hollande, s’il s’était porté candidat.

Ni lucidité, ni courage.

Vient ensuite la lucidité. Où est la lucidité dans un discours qui maquille et repeint en rose ce quinquennat ? Où est la lucidité chez un homme submergé par ses émotions et qui donne l'impression qu'il peut, à tout instant, s’effondrer en direct ? Les médias ont beau salué le « renoncement », ils ne peuvent que constater les échecs. François Hollande n’est pas lucide sur la France, sur son bilan et sur ses erreurs puisqu’il « n’a qu’un seul regret […] : avoir proposé la déchéance de nationalité ». Si lucidité il y a, c’est sur son rejet par les Français et sur la possibilité de son élimination lors de la primaire du PS en janvier.

Enfin, où est le courage dans le choix de se soustraire au vote ? Où est le courage dans ce choix de dernière minute de ne pas aller au-devant des électeurs pour assumer sa politique et pour lui proposer une suite ? Il y avait beaucoup d’émotion dans la déclaration de François Hollande, mais pas de courage.

Faire inédit n’est pas, en soi, une vertu.

Qu’est-ce qui aurait été digne et courageux ? Dire aux Français que l’on a fait son temps et que l’on cède la place à de nouveaux talents. Le faire, la tête froide, en pleine possession de ses moyens et bien plus tôt dans le quinquennat. François Hollande n’a jamais imaginé faire cela. Il a imaginé une primaire inédite en juin, puis il a pris en novembre une décision inédite, celle de reculer devant le premier obstacle.

Au final, il ne suffit pas de faire des choix inédits pour être digne, lucide et courageux. François Hollande s’est débranché le 1er décembre. Pour des raisons sur lesquelles il serait intéressant de les interroger, de nombreux médias n’ont pas tiré sur l’ambulance et l’ont parée, au contraire, des vertus qui font les chefs.

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