On le dit enflammé ou lénifiant, hypocrite ou sincère, réaliste ou utopique : de tous les qualificatifs dont on use pour le caractériser, celui qui correspond le mieux au discours politique est sans doute sa « prévisibilité ».  Rituels, symboles, formules toutes faites, passages obligés, storytelling et autres déclarations de circonstances : davantage que tout autre genre de discours, le verbe politique est une forme très déterminée et pour cette raison, souvent prévisible. C’est d’ailleurs cette rigidité qui donne le sentiment tenace d’une insoutenable « langue de bois » avec laquelle les responsables politiques tentent pourtant de se débattre. Et c’est elle qui est saisie par les générateurs de discours politiques, Politophore et autres Pipotron, qui font régulièrement florès sur Internet.

Faut-il en conclure que rien ne saurait bousculer l’attendu que constitue le propos politique ? Ce n’est pas tout à fait vrai. À bien y observer, ce dernier s’adapte continuellement aux transformations technologiques. Prenons deux exemples survenus sur les dix dernières années : en 2007, Twitter prend son essor ;  voici qu’au même moment la « petite phrase » se généralise à l’ensemble de la classe politique. La contrainte de 140 caractères a banalisé l’aphorisme politique. Autre illustration, à l’occasion de la campagne présidentielle de 2012 : pour la première fois, les chaînes d’infos en continu décident de diffuser en direct certaines grandes messes électorales ; dès lors, nombre de discours de candidats en meeting n’excèdent plus 20 minutes, pour s’intercaler en intégralité entre deux éditions du journal télévisé.

Dont acte : davantage que par tout autre moyen, c’est par la technique que la com’ politique change.

Elle change à la fois parce qu’elle conditionne le discours, mais également parce que les nouveaux formats médias offrent la possibilité de construire des liens plus personnels, plus directs et plus fréquents avec différentes communautés (militants, sympathisants et même opposants !). En outre, la technique pour puissante qu’elle soit, n’est plus un avantage compétitif : les principaux responsables politiques y ont désormais accès. Tout l’enjeu est, donc pour chaque personnalité, d’inventer les contenus et les mises en récit qui lui permettront de se raconter et de raconter son projet au mieux, en tenant compte des nouveaux formats et des possibilités techniques.

De ce point de vue, la campagne présidentielle de 2017 promet d’être particulièrement fertile : porte-à-porte massif et connecté, généralisation en France de NationBuilder la plateforme de gestion de communautés militantes, marketing synchrone permettant de diffuser le même message au même moment sur plusieurs interfaces possédées par un même utilisateur, nouveaux rendez-vous télévisés en préparation (notamment en remplacement de la remarquable émission Des Paroles et Des Actes), émergence d’initiatives visant à « mettre la technologie au service de la démocratie » comme le stipule le slogan de Democratech, ou à recueillir massivement les témoignages et propositions de citoyens (à l’instar de Citizenlab), pétitions sur change.org, primaire des Français : rarement, on avait vu une telle concentration d’innovations et d’initiatives à quelques mois d’une élection présidentielle.

Quels sont ces nouveaux outils, ces nouveaux formats, ces nouvelles manières de faire campagne, que nous verrons émerger en France dans les prochains mois ? Comment ces transformations sont-elles anticipées par les responsables politiques et par leurs entourages ? Comment les technologues bousculent-ils les organigrammes de campagne ? Voici tout l’objet de l’événement #PolTech, que Mots-Clés organisera le 12 mai prochain prochain (détails ci-après).

Observer les innovations technologiques appliquées à la politique, revient donc à s’intéresser tout à la fois aux transformations des manières de faire, mais aussi de raconter la politique. Au-delà : c’est comprendre comment, de la naissance de l’imprimerie à la révolution big data, c’est par les nouvelles possibilités techniques que les normes et les standards politiques se façonnent.

Pour aller plus loin :

Sur les déterminants du discours politique : LE BART Christian, Le discours politique, Que sais-je ?, 1998

Sur les manières dont, historiquement, le média a transformé le discours politique : COURTINE Jean-Jacques. Les glissements du spectacle politique. Esprit. 1990. n°9. p. 156

#Poltech

Une soirée pour comprendre les innovations en préparation pour la prochaine présidentielle !

Entrée gratuite - réservation obligatoire (charles@motscles.net) Date : Jeudi 12 mai, de 19h à 21h Lieu : Café FauveParis, 38 rue Amelot - 75011 Paris

Avec,

• Jean-Daniel Levy (@jdlevy), Directeur du département Politique & Opinion de l'institut de sondages Harris Interactive
• Jean-Luc Mano (@JeanLucMano), Directeur d'ONLY Conseil, auteur de "Les phrases-chocs de la campagne présidentielle"
• Arthur Muller (@arthurmullerFR), Cofondateur de LiegeyMullerPons, start-up en stratégie électorale
• Nicolas Vanbremeersch (@versac), Président fondateur de Spintank, auteur de "De la démocratie numérique" 
• Ève Zuckerman (@EveZuckerman), Directrice Adjointe du Pôle digital d'Alain Juppé pour les primaires de la droite et du centre, spécialiste de NationBuilder