Nicolas Sarkozy a droit à une double page dans Le Figaro du 6 mai 2015. Je me suis intéressé à ce qui était véritablement nouveau dans cette interview : l’argumentaire de vente du nouveau nom « Les Républicains » qui est proposé aux adhérents de l’UMP.
Si « Les Républicains » est un choix malin, je trouve, en revanche, que l’argumentaire de Nicolas Sarkozy n’est pas à la hauteur de ce nom et de son ambition, qu’il renvoie à des clivages traditionnels et à des angoisses identitaires et qu’il fait le grand écart entre une aspiration à la rénovation et la posture défensive de la peur et de la nostalgie. Il est vrai, aussi, que les trois journalistes bienveillants qui l’interviewent, ont laissé beaucoup dire sans relancer.
« Les Républicains » : un choix malin, porteur d’une ambition
Commençons par le nom « Les Républicains ». Oui, ce nom a de nombreux atouts. Il a du souffle. Il tranche avec les acronymes du passé. Il capte à son profit la République qui est intimement liée à la France. Il est inclusif puisqu’il vaut pour l’ensemble des citoyens de la République Française. Il est d’emblée porteur de valeurs, de symboles et d’un imaginaire. Il dépasse la vision classique de la politique comme un continuum linéaire allant de l’extrême-gauche à l’extrême-droite avec le centre au milieu. Il acte la recomposition du paysage politique autour de trois pôles ainsi que la menace du FN. Il affranchit l’UMP de sa prise en tenailles par l’UDI et le FN.
Rénover ou s’arc-bouter ?
Venons-en à l’argumentaire de vente des Républicains. Schématiquement, Nicolas Sarkozy dit que la République est en danger, qu’elle a déjà beaucoup reculé et que la mission des Républicains est de la défendre et de la préserver.
Nicolas Sarkozy argumente, comme il en a l’habitude, en interpellant par le biais de questions : « Qui pourrait affirmer que le besoin n’existe pas d’une rénovation de notre République qui a trop souvent, ces dernières années, donné le sentiment de céder ? ».
Il fait le grand écart dans cette phrase, mais les trois journalistes du Figaro ne relèvent pas. D’un côté, il entend rénover la République – ce qui pourrait être une bonne chose dans un monde changeant à grande vitesse et dans un paysage politique français en pleine recomposition – mais sans dire en quoi consisterait cette rénovation. De l’autre, il se pose en rempart, en protecteur qui s’arc-boute, freine des quatre fers et invoque des idées anciennes pour empêcher la France de reculer davantage. Comment articuler les deux ? Mystère !
Défendre la République comme Marine Le Pen ?
Quel recul Nicolas Sarkozy a-t-il en tête ? Il ne le dit pas et les trois journalistes ne lui posent pas la question, comme si tout cela était évident, notamment pour les lecteurs du Figaro. Comme il parle de la République et non pas de la France, on devine qu’il ne s’agit pas, ici, d’un recul économique ou social et qu’il ne s’agit pas, non plus, d’un recul de la France en Europe et dans le monde.
Nicolas Sarkozy concentre son argumentaire sur des valeurs qu’il attribue à la République. Il termine avec cette affirmation qui peut surprendre (mais pas les trois journalistes du Figaro) : « La République, c’est une identité française ». Les journalistes enchaînent avec deux questions vestimentaires liées à la pratique de l’islam. Nicolas Sarkozy répond en invoquant de grandes idées : « la laïcité, le refus du prosélytisme et l’égalité de l’homme et de la femme ».
Dans l’esprit de Nicolas Sarkozy et de ses interviewers, le recul de la République semble être, avant tout, un recul identitaire face à certaines pratiques de l’islam ou, en raccourci, face à l’islam. Nous sommes, ici, très loin du souffle et de la promesse inclusive du nom « Les Républicains ». Nous sommes plus proches du discours de Marine Le Pen.
Justement ! Nicolas Sarkozy est ensuite interrogé sur le Front National et sur les affaires familiales des Le Pen. Il reprend l’argumentaire de François Hollande sur la compatibilité du FN avec la République, mais ne parle pas, au sujet du FN, d’un recul de la République. Les journalistes, non plus. Ils sont dans la tactique lorsqu’ils demandent : « Se baptiser Les Républicains, n’est-ce pas une façon de se préparer à un éventuel second tour face à Marine Le Pen ? ».
Cliver en définissant la République par des valeurs marquées à droite
Nicolas Sarkozy n’est pas à une contradiction près. Il commence par dire : « nous avons besoin de nous élargir », puis « nous ne pouvions nous en tenir aux clivages trop classiques entre la droite et la gauche ». Pourtant, quelques phrases plus loin, il revient au galop à ces clivages. Il sait que la République est aujourd’hui un « mot-valise », c’est-à-dire un mot dans lequel chacun met le sens qu’il a envie de mettre. Il s’empresse donc de remplir la valise avec les valeurs qui sont les siennes : autorité, travail, mérite, liberté d’entreprendre, responsabilité et identité française. Il cite peu ou prou les mêmes valeurs dans son interview par le JDD en avril 2015.
Ce faisant, Nicolas Sarkozy oublie deux des trois valeurs qui font la devise de la République Française et, dans Le Figaro, il restreint la liberté à la liberté d’entreprendre. Dans le JDD, il parlait de « l’idée que nous nous faisons de la République ». Dans Le Figaro, il fait quasiment comme si ses valeurs définissaient la République. Au final, alors même qu’il dit vouloir élargir, il choisit de cliver avec des valeurs marquées à droite.
Nicolas Sarkozy est, certes, en campagne électorale, d’abord pour le nom « Les Républicains » soumis au vote des adhérents, à terme pour la primaire de l’automne 2016. Pour autant, est-ce une raison suffisante pour ne pas se renouveler, pour ne pas surprendre et pour renoncer au souffle et à l’ambition d’un nom tel que Les Républicains ?
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