Communication de François Hollande sur les attentats. Les 10 différences entre janvier et novembre. - Mediapicking
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Communication de François Hollande sur les attentats. Les 10 différences entre janvier et novembre.

Dernière actualisation : 23/10/2017, 16:28
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Janvier 2015, une vague d’attentats sans précédent frappe la France. Novembre 2015, à nouveau une vague d’attentats sans précédent frappe la France. Le même homme occupe la plus haute fonction de l’Etat. A nouveau, tous les regards se tournent vers lui. D’une crise à l’autre, François Hollande et ses conseillers ont opéré des changements essentiels. A date, il ressort dix différences entre sa communication de janvier et celle de novembre.

1- Les ratés à l’allumage

La première différence est négative. François Hollande avait réussi son entrée dans la crise en janvier. Il s’était immédiatement rendu au siège de Charlie Hebdo. Il y avait eu des mots justes et forts. Il avait pris d’emblée la pleine mesure de l’événement.

Ce ne fut pas le cas pendant la soirée du 13 novembre. Est-ce son exfiltration du Stade de France ? Est-ce le caractère multi-sites de l’attaque ? Est-ce la prise d’otages en cours au Bataclan ? Est-ce le trauma des attentats de janvier ? Les premiers mots de François Hollande viendront après une déclaration de Barack Obama et après un message de soutien de David Cameron. Surtout, cette déclaration sent la panique. François Hollande a le souffle court, la voix tremblante. Il lâche : « il y a effectivement de quoi avoir peur ».

2- La guerre, c’est maintenant

François Hollande s’était refusé, en janvier, à employer le mot « guerre », à la différence de Manuel Valls. Il avait voulu rester sur la grille de lecture d’actes terroristes, barbares, mais aussi isolés et ciblés. Le message implicite était : si vous n’êtes pas l’une des cibles (Charlie, policiers ou Juifs), alors vous n’êtes pas menacés.

Le vendredi 13 novembre, la donne a changé. A partir de l’allocution du 14 novembre (voir ici une analyse de cette allocution), chacun a noté l’omniprésence du mot « guerre » dans les discours du Chef de l’Etat. « La France est en guerre » est la première phrase de son discours devant le Congrès. Cette lecture des événements est une différence essentielle par rapport à janvier. Elle fonde et légitime une nouvelle politique. Elle justifie l’état d’urgence et la fermeture des frontières. Elle rattrape aussi l’entrée ratée de François Hollande dans la crise.

3- L’ennemi a désormais un nom

Jusqu’à son allocution du 14 novembre, François Hollande désignait les auteurs des attentats comme des terroristes, des barbares, des forcenés ou des fanatiques, comme s’il s’agissait de malades mentaux dépourvus de tout objectif et de toute idéologie. Il avait été beaucoup critiqué pour son refus de nommer l’ennemi alors que Manuel Valls parlait déjà d’une « guerre contre le djihadisme et l’islam radical ».

Le 13 novembre au soir, François Hollande s’exprime de façon elliptique : « nous savons d’où vient [cette épreuve], qui sont ces criminels, qui sont ces terroristes »… sans dire qui ils sont. Le lendemain, il lui est impossible de rester dans ces non-dits parce qu’il est impossible de dire que l’on est en guerre sans dire contre qui l’on fait la guerre. L’ennemi, c’est « une armée djihadiste, le groupe Daech », dira-t-il au Congrès.

Cette appellation présente plusieurs avantages pour François Hollande. Elle permet d’intensifier les frappes aériennes en Syrie, d’installer l’idée d’attentats commandités en Syrie et planifiés en Belgique, de braquer les projecteurs sur la commune de Molenbeek… et de justifier que des soldats venus de l’étranger soient passés sous les radars français. Elle permet aussi de circonscrire l’ennemi à Daech, donc de ne pas viser plus large : l’islamisme, le salafisme, le wahhabisme… qui comptent des dizaines de milliers d’adeptes en France et dont les sponsors sont les meilleurs amis et clients de la France au Moyen-Orient.

4- L’action avant la compassion et l’invocation d’un esprit

En janvier, François Hollande avait exprimé et incarné la compassion et la solidarité de la France à l’égard des victimes des attentats. Il avait remis des décorations à titre posthume, il avait prononcé d’émouvants discours, il avait théorisé « l’esprit du 11 janvier » comme ce que la France a de meilleur, puis il avait abusé des invocations de cet esprit, mis à toutes les sauces.

A date, la séquence violente de novembre n’est pas terminée. Une manifestation serait irréaliste et aurait le goût déplaisant du réchauffé. Les victimes sont tellement nombreuses et diverses que le Chef de l’Etat ne peut pas s’impliquer dans des hommages individuels. Surtout, François Hollande a déjà fait, en janvier, la démonstration de ses qualités d’humanisme et d’empathie.

Aujourd’hui, ce n’est plus cela qui est attendu de lui. François Hollande l’a bien compris. Il s’est donc résolument engagé dans l’action. Les Français peuvent désormais se réveiller avec l’annonce des perquisitions de la nuit, quand ce n’est l’annonce d’un raid à Saint-Denis.

5- L’action pour couper court aux débats

En janvier et dans les mois qui ont suivi, François Hollande avait, d’une certaine façon, réussi à anesthésier une grande partie de son opposition politique, celle de gauche comme celle de droite, en invoquant la nécessaire unité nationale dans l’adversité. Il sait qu’il ne pourra pas faire le même coup en novembre.

Sa nouvelle grille de lecture – la France en guerre contre Daech – l’autorise à engager une nouvelle politique. Il l’engage immédiatement, il prend l’initiative, il sort ainsi d’une actualité qu’il subit : les attentats. Ce faisant, François Hollande ne laisse pas s’installer un débat sur les décisions qu’il devrait prendre ou sur celles qu’il aurait dû prendre depuis janvier. C'est lui qui choisit le terrain du débat politique. Il oblige ses adversaires et les journalistes à jouer sur son terrain.

6- Des actes inédits pour ne plus faire du neuf avec du vieux

Depuis janvier, François Hollande, Manuel Valls et le gouvernement avaient donné l’impression, à plusieurs reprises, de ripoliner aux couleurs du 11 janvier des politiques déjà engagées ou déjà décidées. Ils s’inscrivaient dans des trajectoires déjà définies et se contentaient de changer l’emballage.

François Hollande a compris que ce n’est plus possible en novembre. Il faut de l’inédit. Il faut donc une communication inédite : le discours devant le Parlement réuni en Congrès à Versailles. Il faut aussi des décisions inédites : l’extension à trois mois de l’état d’urgence, la proposition de modifier la Constitution pour y introduire l’état de crise, l’invocation de l’article 42-7 du Traité de l’Union pour demander la solidarité des autres Etats-Membres. Si l’inédit fait débat, ce sera un débat sur un terrain maîtrisé car choisi par le Chef de l’Etat.

7- Triangulation

En janvier, François Hollande avait écouté les dirigeants des partis politiques et les présidents deux Assemblées, sans reprendre leurs propositions. Mais le Gouvernement avait phosphoré, seul, sur de nouvelles mesures en s’inscrivant dans la continuité des politiques déjà engagées. Cette méthode a permis à l’opposition d’installer ses propositions dans le débat public. En novembre, elle lui aurait ouvert un boulevard pour la critique du Chef de l’Etat.

Il était donc urgent de changer de méthode. François Hollande a eu recours à la triangulation, ce procédé consistant à s’approprier des propositions du camp adverse, de façon à lui couper l’herbe sous le pied et à lui assécher le terrain. Après avoir écouté, dimanche, les dirigeants des partis politiques, François Hollande a repris à son compte, lundi, plusieurs de leurs propositions dans son discours devant le Congrès. Il met ainsi en pratique l’unité nationale et prive l’opposition d’une grande partie de ses messages. Efficace !

8- Amalgames et apartheid au second plan

En janvier, François Hollande parlait beaucoup d’unité nationale, de vivre ensemble, de laïcité, de valeurs républicaines et du refus d’amalgamer aux terroristes les Français musulmans. Il tenait absolument à se poser en rassembleur de la Nation dans toutes ses diversités, refusant de voir qu’une grande partie de la population n’avait pas manifesté le 11 janvier et ne se sentait pas Charlie Hebdo.

En novembre, l’unité nationale est une évidence car, comme François Hollande l’a dit devant le Congrès : « vendredi, c’est la France tout entière qui était la cible des terroristes. La France qui aime la vie, la culture, le sport, la fête. La France sans distinction de couleur, d’origine, de parcours, de religion ».

La priorité, c’est le deuil, c’est l’action, c’est la sécurité. L’heure est moins aux grilles de lecture identitaires ou communautaires qui alertaient, en janvier, sur les risques d’amalgames. Elle est moins aux grilles de lecture sociales qui avaient amené Manuel Valls à dénoncer « un apartheid territorial, social et ethnique ».

 9- Voyage aux USA et en Russie

En janvier, des dirigeants du monde entier s’étaient rendus au chevet de la France et avaient manifesté contre le terrorisme et pour la liberté. Ce cortège d’officiels était compassionnel, mais n’avait rien à proposer pour lutter contre un ennemi qui, à l’époque, n’était pas nommé. Il avait même fait sourire par la présence de dirigeants qui refusaient chez eux de nombreuses libertés à leurs concitoyens.

Le 11 janvier, ni Barack Obama, ni Vladimir Poutine n’avaient fait le voyage à Paris.

En novembre, François Hollande n’est plus le blessé à qui l’on rend visite. Il est le chef de guerre qui prend l’initiative d’aller à la rencontre de Barack Obama à Washington et de Vladimir Poutine à Moscou et qui entend être l’artisan d’une grande coalition contre Daech. Il ne s’embarrasse plus de grandes conférences internationales sur la Syrie. Il a déjà ses photos à la tête d’un cortège de dirigeants du monde entier. De toute façon, il va bientôt recevoir à Paris un nouvel aéropage à l’occasion de la COP21. Priorité au pragmatisme et à l’efficacité.

10- Moins de communication

En janvier, François Hollande parlait, consolait, faisait des discours, présidait des cérémonies. En janvier et dans les mois qui ont suivi, François Hollande a beaucoup communiqué sur la France du 11 janvier qui se serait levée au lendemain des attentats. Certains considèrent qu’il serait alors entré dans le costume présidentiel, mais c’est réduire la plus haute fonction de l’Etat à de la compassion et à du lyrisme.

Depuis janvier, François Hollande a beaucoup eu recours à la communication sans avoir, en amont, une nouvelle politique. Il s’est laissé porter par l’émotion et s’est contenté d’incarner la Nation. La machine a tourné à vide, en particulier lors de ses conférences de presse (voir ici une analyse de la conférence du 5 février 2015). Le réveil fut douloureux pendant la nuit du 13 novembre.

Le 14 novembre, François Hollande semble avoir compris l’urgence d’un tournant dans sa politique et dans sa communication. Au-delà des dangers qui pèsent sur la France, il sait qu’un risque politique le menace : le procès des 10 mois perdus depuis les attentats de janvier. En conséquence, il a changé sa grille de lecture, sa politique et son vocabulaire. A date, il communique moins qu’en janvier.

Au-delà de changements positifs, deux questions demeurent. François Hollande, Manuel Valls et le gouvernement échapperont ils au procès des 10 mois perdus ? Dans quelques jours, leur naturel, le train-train de la vie politique et les discours creux ne reprendront-ils pas le dessus ? Souvenons-nous : on ne pourra plus faire de la politique comme avant, disait-on déjà en janvier 2015.

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